Depuis plus de cinquante ans, les skateurs ont fait de la ville leur terrain de jeux privilégié et un champ des possibles infini. Mobilier urbain, trottoirs, marches en tout genre, rampes d’escalier, rambardes de sécurité et surfaces planes minérales façonnent un univers où tout devient prétexte à pratiquer la planche à roulettes. Exit les codes et les idées bien-pensantes, la liberté est moteur des skaters, l’inventivité leur carburant. C’est ce que le centre d’architecture Arc en rêve nous invite à découvrir à travers l’exposition « landskatinganywhere » qui explore la relation de longue date qu’entretiennent le skateboard et la ville.
En guise d’introduction, un film de l’artiste et skateur Raphaël Zarka revient sur l’histoire de la discipline. « Pour qui regarde – surtout s’il n’a jamais mis les pieds sur une planche ! –, le skateboard est avant tout un enchaînement de mouvements et de figures. Pour le skateur, ceux-ci sont indissociables d’une relation physique à l’espace, des sensations données par les matériaux », explique-t-il dans l’un des nombreux ouvrages* qu’il a consacrés à sa passion.
A Bordeaux, l’accent est mis sur la capacité des skateurs à investir la ville dans ses lieux les plus emblématiques mais aussi dans ses interstices. Des piscines vides utilisées lors des épisodes de sécheresse en Californie au pipeline de Mount Baldy jusqu’aux sculptures de Robert Morris, leur imagination semble sans limites.
Seuls la spontanéité et le sens de l’espace guident cette réappropriation de l’espace urbain qu’aucune autre pratique ne permet. Mais s’ils participent activement à la fabrication de la ville, n’en demeurent pas moins des conflits d’usages, le skater n’étant pas toujours le bienvenu dans l’environnement urbain. Riverains et aficionados de la planche à roulettes entretiennent souvent des relations houleuses et les panneaux d’interdiction se multiplient, du fait du bruit que font roues et planches. « Cette dualité entre l’usage de l’espace urbain par les planchistes et le confort des chalands sous-tend une négociation complexe de l’environnement bâti », souligne Ocean Howell, skateur et historien de l’architecture dans le fanzine qui accompagne l’exposition.
Landskatinganywhere met aussi l’accent sur les skateparks contemporains, sélectionnés pour leur originalité architecturale, mais aussi sur la scène bordelaise, ultra-dynamique en la matière : des modules de Léo Valls, Tony Marquais et Yoan Taillandier mais aussi des photographies de David Manaud et Fred Ferand investissent les 450 m2 de la grande galerie d’Arc en rêve. L’exposition s’inscrit dans le cadre de Paysages Bordeaux 2017, saison culturelle qui célèbre l’arrivée de la LGV dans la capitale girondine.
Arc en rêve centre d’architecture. 7 Rue Ferrere, 33000 Bordeaux. Jusqu’au 15 octobre.
* Free ride. Skateboard, mécanique galiléenne et formes simples, éditions B42 (2011).