Le deuxième hôtel du groupe vénézuélien Il Sereno (@ilsereno) (le premier est à Saint-Barth) avait à peine ouvert ses portes mi-août qu’il faisait déjà le buzz. Le cofondateur du service suédois de streaming musical Spotify, Daniel Ek, avait élu la villa Pliniana (à Torno), à quelques vaguelettes de l’hôtel, pour y fêter son mariage ; ses invités (Mark Zuckerberg entre autres) étant logés à l’hôtel. Un baptême inattendu pour Il Sereno, qui, s’il a fait la joie des paparazzi, n’en reste pas moins et avant tout une adresse dont le calme et l’exclusivité du site restent les atouts majeurs.
En matière d’hôtellerie, Patricia Urquiola n’en est pas à son coup d’essai. Dans la catégorie luxe, elle a signé le Mandarin Oriental de Barcelone, le Four Seasons de Milan, le W Vieques au large de Puerto Rico et s’est distinguée sur des boutique-hôtels comme le récent Room Mate Giulia à Milan ou le Das Stue à Berlin. Mais ici, au bord du lac de Côme, cet hôtel à taille humaine de 30 suites (la plus petite mesurant 60 m2) a été pour Patricia l’occasion de s’exprimer en tant qu’architecte et pas seulement en tant qu’architecte d’intérieur : « C’est un projet à 360°, qui va des fondations aux détails les plus infimes. Mon but était de faire quelque chose de nouveau, que les gens, dans cet hôtel de luxe, puissent être totalement absorbés par une atmosphère, qu’ils aient à leur disposition tout ce qu’il faut pour être cocoonés. »
Lorsqu’elle a rencontré le propriétaire, Luis Contreras, lors d’un voyage aux États-Unis, celui-ci lui confia le projet de réaliser son rêve : donner vie à un hôtel contemporain qui contraste avec l’offre classique typique de Côme. « Nous avons donc envisagé toutes les facettes de l’hôtel, de l’architecture au design intérieur, ce qui a donné lieu à la création de mobilier, de tapis, de revêtements, de lampes et de meubles de salle de bains », raconte-t-elle. À quelques minutes du centre de Côme, que l’on quitte en empruntant une route sinueuse découvrant le lac en pointillé à la faveur des virages successifs, l’hôtel occupe une place de choix… insoupçonnable.
Pour y pénétrer, l’architecte a ménagé ses effets, optant pour une arrivée tout en douceur plutôt qu’une mise en scène claironnant ses 5 étoiles. Une entrée en matière très japonaise, qu’un Maurice Sauzet ne renierait pas. Le héraut de l’« architecture naturelle » reconnaîtrait ici un grand nombre de ses principes : l’idée du parcours (on arrive en marchant sur une passerelle), les contre-espaces (la paroi et la sculpture végétales signées Patrick Blanc derrière la vitre du couloir de l’entrée et du lobby), le cadrage des vues comme une série de paysages empruntés (les baies vitrées partout donnant sur le lac), l’effacement des limites entre dedans et dehors grâce à l’utilisation de revêtements de sol identiques… Avant de faire du Sereno une affaire de style, Patricia en a fait un challenge architectural car, en accord avec Luis Contreras, il fallait que le bâtiment se fonde dans le paysage, qu’il s’inscrive dans l’art de vivre local et s’en distingue tout à la fois puisqu’il n’était pas question pour eux de faire de « l’ancien neuf ».