Ces derniers mois, la photo du chœur minéral que vous avez réalisé pour l’église de Saint-Hilaire-de-Melle (79) s’affichait comme un trésor national dans les couloirs de Roissy !
Le fait de savoir que ce projet-là me survivra et survivra peut-être même à mes enfants, ce n’est pas rien… Son existence dans une église du XIe siècle, monument historique classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, me touche beaucoup plus qu’une communication nationale. Cet ancrage-là m’émeut plus qu’il ne me flatte.
Expliquer votre travail, est-ce nécessaire ou vos projets parlent-ils d’eux-mêmes ?
Tout d’abord, j’aime bien parler et expliquer. Ensuite, on essaie toujours de faire en sorte que l’objet ou le lieu puisse se suffire. Il faut que la chose produite soit suffisamment dense et bien pensée pour transmettre son message. Ce qu’il y a parfois lieu d’expliquer, même pour moi, ce sont les liens entre les choses, quelles qu’elles soient : une enceinte, une église, un objet pour le monde pharmaceutique ou un restaurant.
Quel souvenir conservez-vous de vos études avec Philippe Comte et Laurent Ungerer pour professeurs ?
À l’Ensci (École nationale supérieure de création industrielle-Les Ateliers, NDLR), ceux-ci me disaient : « Conçois ta façon de faire avant le produit final. Dessine ta méthode en fonction du projet. » J’ai passé, auprès du designer industriel Philippe Comte, pas mal d’années de ma scolarité. J’ai aussi été six mois durant l’étudiant du graphiste Laurent Ungerer avant de devenir l’un de ses stagiaires. La question du style les intéresse peu. En revanche, leur idée d’adéquation de la forme et du projet me nourrit toujours. Je n’entendais jamais : « C’est disgracieux. » Mais plutôt : « Entre ce que tu veux dire et ce que tu as dessiné, il n’y a pas de connexion complète. » Ils induisaient aussi que chaque projet implique que le designer se « reprogramme ».
En 2001, vous vous installez à votre compte. Que vouliez-vous faire alors ?
La seule chose précise, c’était que je ne voulais pas travailler pour un autre. Pas pour des questions d’ego, mais parce que je ne voulais pas avoir à me justifier.
Quitte à faire des erreurs ?
Évidemment, et il y en a eu plein ! Mais dès que l’on travaille avec quelqu’un au-dessus de soi, on est conduit à se justifier et à faire des compromis. Alors même que, lorsqu’on démarre, on a des intuitions et des envies, mais pas forcément encore les arguments pour les défendre. À l’école, on nous indiquait une marche à suivre pour combler nos lacunes en fonction de nos compétences. Si ça ne me plaisait pas, je prenais six mois sabbatiques. Cela s’est produit trois ou quatre fois. Donc, plutôt que de passer cinq années à l’école, j’y suis resté sept ans ! J’étais peut-être un peu rétif à l’autorité, mais j’avais surtout le sentiment d’être en accord avec moi-même. Une chose difficile à expliquer à un service pédagogique…