Luca Nichetto, comment voyez-vous justement votre métier en 2017 ?
On va dire qu’il existe une centaine de designers sachant développer des produits avec les éditeurs. Il existe aussi quantité de stylistes, ce qui est un autre métier… Quand je parle de valeur de ce travail, je pense au fonctionnement quotidien de mon studio avec ses huit collaborateurs que je dois rémunérer. Une heure de mon temps, ce n’est pas une heure de quelqu’un qui travaille depuis sa cuisine.
Etre basé en Suède – par amour, dites-vous – vous rend atypique…
Ce choix, c’est d’abord le reflet de ma personnalité ! Etre italien, vivre à Stockholm, vous parler à Paris… C’est exactement le rêve que j’avais en tête quand je voulais devenir designer : rencontrer des gens et découvrir d’autres cultures. Nous avons de la chance de vivre dans un monde global, sans frontières. Cette idée de mouvement, je trouve ça très beau. C’est le contraire de ce qui se passe en politique où l’on élève à nouveau des murs. Je suis un designer italien ouvert sur le monde !
Au point d’aller travailler en Chine ?
Quand j’ai commencé à travailler avec Zaozuo [Nichetto est DA de cet éditeur que l’on présente souvent comme le Habitat chinois, NDLR], je comprenais cette crainte de travailler dans une sorte de Far West. Certaines compagnies avec qui je travaillais étaient dépitées pour moi. On me demandait quel besoin j’avais de faire ça. Tout ça est un peu arrogant ! La vérité est que je n’aime pas les zones de confort. Je m’y habituerai peut-être quand j’aurai 80 ans, mais aujourd’hui, j’ai besoin de défis qui m’aident à mieux travailler. La collaboration avec Zaozuo, c’était l’opportunité de travailler pour la nouvelle classe moyenne chinoise. Son émergence, c’est ce qui s’est passé en Europe il y a cinquante ans.
Que ressentez-vous quand vous travaillez là-bas ?
Ce que je fais de bénéfique pour les gens en Chine se produit à une échelle plus importante qu’ici. Et puis les structures sont très différentes. Il m’est arrivé de stopper la production de 10 000 pièces pour faire juste un prototype…
La production en Chine souffre d’un déficit d’image en terme de qualité. Euphémisme ?
La fabrication est différente… Les questions de pollution sont évidemment d’actualité là-bas et donc l’idée d’avoir un bel intérieur n’en est que plus appréciée. Le design d’après-guerre a mis longtemps à se développer en Europe mais je pense qu’assez rapidement, le design chinois pourra influencer l’ensemble du marché. Je préfère en savoir plus que de stagner entre arrogance et récriminations.
Vous encourageriez un jeune designer à partir travailler en Chine ?
Oui, si c’est pour créer des projets originaux pour le marché chinois. C’est une façon de protéger le marché européen. Si les Chinois exportent, autant que ce soit des produits originaux, pas des copies…