Parfois, le designer Joe Colombo semble être le « Mon oncle » trop tôt disparu de Marc Newson ou de Matali Crasset. Malgré une carrière plutôt brève (1962-1971), il est recherché aujourd’hui aussi bien par Roche Bobois que par le danois Karakter. Pour Mateo Kries, directeur du Vitra Design Museum et commissaire d’une très belle rétrospective Colombo il y a dix ans, son design participe non seulement de ses idées sur l’homme et son environnement mais aussi de sa personne, un « dandy du design ».
Pourtant, en 1969, quand Colombo met au point la Tube Chair, il ne vise pas les décors des James Bond mais se pose en ingénieur stylé. Car elle est LE modèle du siège modulable : quatre cylindres assemblés pour former soit un fauteuil bas, soit un fauteuil haut – son dossier et son assise étant interchangeables –, aujourd’hui recouverts de cuir ou de tissu noir, blanc, jaune, turquoise ou orange. La Tube Chair a ainsi tout pour plaire. Cappellini propose également le tapis Tube, dont le motif très graphique reprend la silhouette des cylindres du siège.
Il faut le redire, Joe Colombo n’est pas un styliste. Héritier d’une entreprise de câbles électriques, il est fan de technique à la façon d’un ingénieur. C’est l’appel de la création qui l’a poussé à étudier la peinture et l’architecture. Sa « modernité » le place d’ailleurs dans une longue liste de créateurs remontant au moins à Léonard de Vinci. Elle est un juste un élément, rouage d’un système de vie plus global qu’il a pensé pour l’homme, de la sphère domestique à l’espace urbain.
L’année 1969, chantée par Gainsbourg et Birkin, semble avoir été aussi érotique que féconde pour les designers. Quand Gaetano Pesce « livrait » son fauteuil UP5 en paquet plat comme un carton à pizza, Joe Colombo délivrait les rouleaux de la Tube Chair dans un sac en toile de jute. Un an auparavant, il avait débauché de la Triennale de Milan une jeune étudiante, Ignazia Favata, toujours aux rênes de son studio aujourd’hui. Cinquante-trois de ses créations y sont encore éditées : on peut dire que le designer lui a laissé du pain sur la planche !