Le tournant des AJAP
En 2014, l’agence est lauréate des Albums des jeunes architectes et des paysagistes. La constitution du dossier de candidature est vécue « comme l’opportunité de mettre de l’ordre dans notre démarche, d’exprimer une cohérence alors qu’on faisait tout au petit bonheur la chance ». En filigrane, il y a aussi l’envie de se confronter à une échelle de projet plus importante. Avec les autres équipes récompensées, les architectes de NeM décident de former le collectif AJAP14 : une première.
« Cela nous a soudés et nous a permis de porter une vision, notamment parce que nous formions une promotion relativement homogène, bien répartie sur le territoire, animée par l’envie de se reconnecter avec les savoir-faire artisanaux, de faire autant avec moins et, surtout, sans ego trip : ça ne dérange personne de signer un bâtiment à plusieurs »
Suite logique, AJAP14 décide de se déclarer candidat sous la bannière du collectif pour faire masse critique. À Toulon, d’abord, pour le quartier de la connaissance et du numérique : « Nous n’avons pas été retenus, mais se voir toutes les semaines pour préparer la candidature a permis de poser les bases du collectif et de mieux se connaître. »
Ensemble, ils s’attaquent ensuite à « Réinventer Paris », appel à projets urbains innovants lancé par Anne Hidalgo, avec un projet coopératif ambitieux, sans promoteur. Une expérience qui n’a pas abouti mais qui se révèle très riche d’enseignements pour le collectif AJAP14, à géométrie variable, selon les projets et les envies de chacun. Au concours EDF Bas Carbone 2015, ils terminent deuxièmes avec un projet de transformation du quartier Muyssaert, à Lille.
C’est à la Biennale d’architecture de Venise que s’est joué, cette année, le dernier acte en date du collectif AJAP14. Commissaire avec Frédéric Bonnet du pavillon français de cette 15e édition, le collectif a porté ses efforts sur l’architecture du quotidien, modeste, celle qu’on ne voit jamais. « Être aussi nombreux constituait une force de frappe importante, nécessaire pour produire autant. »
Il faut dire que l’association est assez naturelle pour cette génération, « une façon pragmatique de travailler, en écho à notre époque ». Ces jeunes architectes partagent leurs locaux et n’hésitent pas à faire appel à d’autres compétences au cas par cas, comme le scénographe Jean-Étienne Grislain, l’artiste Matthieu Cossé ou encore le designer Jean Couvreur, qui comptent parmi les fidèles.
De Venise à Paris
Installée en rez-de-chaussée au fond d’une cour parisienne du quartier de Belleville, l’agence NeM fait ainsi beaucoup parler d’elle ces derniers temps. À Venise, bien sûr, mais aussi à Paris, où elle a accolé son nom à deux patronymes prestigieux : François Pinault et Tadao Ando. L’homme d’affaires breton s’apprête à installer sa fondation dans la Bourse du commerce, au cœur de la capitale, dix ans après avoir renoncé à s’établir sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Pour épauler l’architecte japonais, NeM est aux commandes.
Ce n’est pas la première fois que l’agence travaille pour la « sphère Pinault » : fin 2015, le duo a livré une résidence d’artistes à Lens. Cette expérience réussie a permis d’amorcer le début d’une histoire. À Paris, le changement d’échelle est radical, et l’agence ne boude pas son plaisir : « L’étiquette “jeune architecte local” n’est pas toujours simple à porter, mais tout se fait en très bonne intelligence. Nous n’avions jamais imaginé accéder à une commande aussi importante aussi vite. C’est un environnement de projet très stimulant ! »