Misericordia en 6 dates
- 2002 : voyage initiatique de Mathieu et Aurelyen au Pérou, à la mission Nostra Signora de la Misericordia.
- 2003 : naissance de Misericordia.
- 2005 : Mathieu, ami et associé, décroche.
- 2006 : ouverture de l’atelier Cabaña de Alta Costura Misericordia (20 employés).
- 2009 : ouverture de la boutique à Lima.
- 2013 : boutique à Paris 9, rue de Charonne (XIe).
- 2016 : 40 points de vente, dont l’Allemagne et le Japon.
Appelez-le simplement Aurelyen, il préfère. À fleur de peau, engagé, rebelle, intello, obstiné aussi, il fonde la marque de mode éthique Misericordia, en 2003. À Lima, l’atelier la Cabaña de Alta Costura Misericordia tourne avec vingt employés et abrite des départements cuir, broderie, sérigraphie et maille. Bien formée, l’équipe réalise un vêtement de A à Z comme en haute couture. Et Aurelyen offre un confort de travail : salaire sur 14 mois (25 % supérieur au minimum légal), cantine gratuite et congés payés.
L’histoire mérite un détour. En 2002, Aurelyen, photographe et vidéaste professionnel, professeur à l’école d’architecture de Paris-Val de Seine, est embarqué par Mathieu dans un voyage solidaire, à la mission Nostra Signora della Misericordia. Immergé au Pérou et catapulté dans le bidonville de Zapallal – dépourvu d’eau et d’électricité –, il éprouve un choc immense. Avant leur retour en France, les garçons font confectionner, par l’école de couture de la mission, une série de cent soixante t-shirts et des vestes d’uniformes d’écoliers péruviens au charme vintage. Ils les distribuent autour d’eux. « Une de nos relations nous a offert un stand au salon Tranoï, à Paris. Nous avions deux vêtements sur un cintre ! », raconte Aurelyen. Pionnier de la mode éthique, le duo vante les qualités humaines de ses protégés, et ça marche. Des professionnels passent commande. Pendant des années, Colette, royale, leur offre un emplacement dans son concept-store. La fabrication s’organise. Notre chic type passe sa vie dans les micros (les bus au Pérou). Il y dort, y dîne, tout à sa quête de bobines de fil, d’un bout de coton bleu, d’un producteur d’alpaga. Pas d’Internet, cohue dans les cabines téléphoniques, puces, repas limites, les conditions sont rudes. En 2005, son acolyte jette l’éponge et Aurelyen poursuit seul sa mission.
Ceci n’est pas un vêtement
Depuis douze ans, il se bat pour maintenir Misericordia à flot. D’où cette devise militaire péruvienne apparue sur un t-shirt : « Hasta el ùltimo cartucho (jusqu’à la dernière cartouche). » « Misericordia n’a jamais été une marque de mode. Mon objectif, c’est que les gens, sous ma responsabilité, vivent correctement de leur travail. » Pendant cinq ans, Aurelyen apprend les lois commerciales et civiles du Pérou et de la France. Aujourd’hui, il travaille avec seulement deux collaborateurs à Paris (450 000 € de CA). Au four et au moulin, Aurelyen, ex-étudiant aux Beaux-Arts, conduit Misericordia comme un projet artistique : il gère, vend, dessine la collection, réalise photographies et vidéos. Porté par le radicalisme de Pier Paolo Pasolini, monument de son panthéon personnel, il tire son atelier vers le haut, à travers des collaborations avec la designer Matali Crasset ou les créateurs de mode Kris Van Assche et Bernhard Willhelm.
Une marque vraiment à part
« Les gens comprennent notre ambition. Mais, avec la crise, nous avons perdu des points de vente. Il en reste quarante, dont l’Allemagne, la Suède, la Suisse, les USA et le Japon. C’est insuffisant. Or, la qualité est à la hauteur, le design aussi, les tissus sont péruviens et la fabrication se fait à 100 % dans notre atelier. » Fou d’Alain Resnais, d’Alfred Hitchcock, d’Akira Kurosawa et de John Carpenter, Aurelyen est aussi subjugué par Max Ernst et William Klein. « Ces références culturelles sont des modèles dans la quête de l’ultime et de l’impossible. » Un rêve ? Faire de son atelier de Lima « le plus bel instrument de travail du Pérou ».