Toutes les tendances 2016-2017 du tapis

Les plus fameuses maisons de tapis poursuivent leur travail de création, recourant parfois aux œuvres d’artistes reconnus. Si les éditeurs font preuve d’originalité, c’est toujours la qualité qui prime. Elle se décline en pièces uniques, sur mesure ou série limitée, dans des palettes de couleurs et des motifs, à plat ou en relief, toujours plus élaborés. Revue de détail.

Pinton, tisseur de rêves
S’appuyant sur 150 ans de savoir-faire, Pinton, entreprise familiale basée à Felletin (23), propose tapisseries murales et tapis d’exception. Reconnue « entreprise du patrimoine vivant » et dirigée par Lucas Pinton, petit-fils du fondateur, elle projette les créations d’Aubusson dans la modernité. En s’appuyant sur des techniques séculaires (métier basse lisse, noué ou tufté main), l’entreprise s’est organisée en deux pôles : Pinton Manufacture et Pinton Édition. Le premier s’adresse à la décoration de luxe et haut de gamme, et produit des tapisseries décoratives. Les modèles créés à la demande sont l’œuvre de designers textile : Ulrika Liljedahl, Marguerite Le Maire, Saskia Vandamme ou Thierry Duru. Pinton Édition se consacre pour sa part à la réalisation d’œuvres originales en séries très limitées, des créations d’artistes du XXe siècle (Sonia Delaunay, Fernand Léger, Victor Vasarely, Alexander Calder…) et d’artistes contemporains (Jean-Michel Othoniel, Christophe Tissot ou Françoise Quardon). Fournisseur de particuliers comme de prestigieuses institutions, Pinton s’illustre par des commandes rares. Par exemple, pour Art for Amnesty, Peter Sis a créé une œuvre d’une envergure de 7 mètres représentant un sous-marin jaune conduit par John Lennon et offerte à Yoko Ono. Pour permettre aux architectes d’intérieur de plonger dans l’univers de la marque, un showroom parisien a vu le jour fin 2015  (Paris VIe ), et le site Internet a été totalement repensé. Une collection de tapis d’escalier et de moquettes est également en cours de réalisation. O.W.
www.pinton1867.com

Tapis « Malachite vert », Pinton.
Tapis « Malachite vert », Pinton. DR

La géométrie Chevalier Édition
Fer de lance de la créativité française en matière de tapis, Chevalier Édition invite les meilleurs designers à exprimer leur talent dans cet exercice de style en deux dimensions. Cette saison, l’éditeur aborde le tufté main avec cinq nouvelles créations abstraites, d’inspiration géométrique et poétique. Jeu de lignes entrecroisées et dégradées pour A+A Cooren, hachures pour François Azambourg, illusion d’optique pour Eli Gutierrez ou parallèles tracées à la main pour Lucie Koldová ou Vincent Tordjman… Autant de tapis qui animent les sols grâce à des palettes qui soulignent le travail graphique. M.G.
www.chevalier-edition.com

Tapis « Lahara », de Vincent Tordjman, Chevalier Édition.
Tapis « Lahara », de Vincent Tordjman, Chevalier Édition. Theo Baulig - Little factory

Serge Lesage abstrait
Teintes patinées, matières craquelées, motifs tissés selon des techniques ancestrales et des savoir-faire artisanaux… tels sont les thèmes de la dernière collection signée Frédérique Lepers, directrice artistique de cette belle maison spécialisée dans le tapis sur mesure, devenue leader sur le marché du tapis contemporain haut de gamme. Si avec « Les patinés », l’effet du temps semble avoir posé sur les couleurs un baume poétique, « Les craquelés » se déclinent en de magnifiques tuftés main en soie et laine, tandis que « Les graphiques » affichent des motifs géométriques traités dans des couleurs fortes. Inspirés par le courant pop art des années 50, « Les pop » flirtent avec « Les seventies », autre époque phare de la mode et des arts décoratifs, alors que la ligne « Les minéraux » opte en revanche pour des tonalités pastel inspirées par les couleurs de la terre ou du ciel… Reprise dans les années 2000 par une entreprise textile du Nord et située depuis 2005 à Chereng, près de Lille, la maison dessine, édite et diffuse depuis plus de vingt-cinq ans ses créations dans le monde entier. S.G.
www.sergelesage.com

Tapis « Coden bleu », Serge Lesage.
Tapis « Coden bleu », Serge Lesage. DR

Hadjer, tapis d’art très haute couture
Reynold, le père d’Emmanuelle et David Hadjer qui dirigent la galerie homonyme, pouvait décrypter un aspect de la révolution iranienne de 1978 à travers les soubresauts du marché du tapis persan. Il a transmis à ses enfants l’amour des tapis afghans, des tapisseries d’Aubusson et des toiles du XXe. Emmanuelle, ex-étudiante à l’école du Louvre, venue pour trois mois aider son père, n’est jamais repartie. Avec son frère, elle présente la collection idéale dont il rêvait, lui qui écumait les musées et les galeries du monde. La collection « Hadjer 66 » honore ainsi dix œuvres d’art du XXe, reproduites en tapis et tapisseries, chacune en huit exemplaires numérotés. La Manufacture de Bourgogne a consacré « 320 000 brins de laine néo-zélandaise par mètre carré et une centaine d’heures de travail par pièce. Le Heavy Circles, de Kandinsky (1927), est une fenêtre sur le cosmos. La Cariatide, de Modigliani (1913), le rapproche de Matisse. Et la légèreté graphique de Jetée et Océan, de Piet Mondrian (1915), est des plus contemporaines », décrit Emmanuelle. G.-C.A.
www.hadjer.fr

Tapis reproduisant une œuvre de l’artiste Sonia Delaunay, Hadjer.
Tapis reproduisant une œuvre de l’artiste Sonia Delaunay, Hadjer. WestImage - Art Digital Studio

Cogolin Pari réussi !
La Manufacture de Cogolin faisait déjà des tapis à reliefs. Mais Laurent Buttazzoni a poussé l’idée. 15 millimètres d’épaisseur pour un tapis comme le Syracuse, c’est dense. L’architecte d’intérieur a choisi un motif de losanges, comme un élégant treillage qui, en vert, suggère un jardin d’hiver, et qu’on retrouve d’ailleurs dans les modèles Noto et Modica. Il se décline en un vaste choix de couleurs. Soit le motif prédomine, soit c’est le fond. Le croisillon se fait ombre changeante. « À la base, j’ai pensé aux motifs des tapis beni ouarain marocains, mais en plus grand », explique Laurent Buttazzoni. Derrière le motif, les fonds sont monochromes ou nuancés par l’ajout d’un autre fil de couleur. Ces tapis sont assez visuels pour habiter les sols ou les murs d’une pièce. Syracuse se commande de la couleur et de la taille qu’on veut. De grandes bandes de laine de 70 centimètres de large sont produites par la machine, puis cousues ensemble. Sentir sous son pied nu le relief de la laine est une sensation très agréable. Ces tapis sont donc aussi tactiles que visuels. « La géométrie du treillage, c’était quelque chose de très présent chez Cogolin », précise Buttazzoni. Au showroom parisien, on nous éclaire côté technique : « D’un côté, c’est la mécanique jacquard qui sélectionne les fils qui créent le dessin, de l’autre, ce sont les lissières qui sélectionnent les boucles qu’elles coupent pour créer le dessin, ligne par ligne. » La manière même dont le fil est noué conditionne le changement de texture. Ces lissières travaillent sur des métiers du XIXe siècle. Tout est exécuté à la main, même le percement des quatre à six cents cartons nécessaires pour chaque motif. Ce sont ces cartons perforés qui guident les crochets qui soulèvent les fils de chaîne nécessaires pour réaliser le motif. C’est pourquoi quand Laurent a évoqué l’idée de le rétrécir un peu, on lui a gentiment dit que tous les cartons étaient déjà percés… Il en rit encore. G.-C.A.
www.manufacturecogolin.com

Tapis « Syracuse », de Laurent Buttazzoni, Cogolin.
Tapis « Syracuse », de Laurent Buttazzoni, Cogolin. DR

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