La belle histoire de cc-tapis

Le tapis traditionnel retrouve une nouvelle jeunesse avec cc-tapis. En compagnie des architectes et designers les plus courus, l’entreprise officie avec éthique, imagination et générosité, entre l’Italie transalpine et l’Asie du Sud-Est.

Nelcya et Fabrizio Cantoni sont les parents de cc-for education, l’association en faveur de laquelle les tirages de l’exposition « 20/20 » d’IDEAT seront vendus aux enchères. Derrière cette organisation, qui favorise l’éducation des enfants au Népal, se niche cc-tapis : quinze ans d’existence et un catalogue haut de gamme signé, entre autres, Patricia Urquiola et Ludovica & Roberto Palomba. L’histoire remonte à Strasbourg, où Fabrizio vendait des tapis fabriqués en Inde, dans un magasin tenu par le père de Nelcya, iranien : la Maison Chamszadeh, réputée depuis 1943 pour ses tapis persans noués à la main. « C’est en voyageant aux États-Unis que j’ai vu un tapis déteint et que j’ai eu l’idée de lancer nos propres collections », se souvient Fabrizio. « Nous sommes ensuite repartis en Inde, au Tibet et au Népal. En 2011, de retour à Milan, nous avons ouvert le showroom cc-tapis en nous basant sur le catalogue strasbourgeois tout en concevant de nouveaux modèles. » L’offre, six collections aujourd’hui, s’est étoffée de références graphiques et modernistes issues notamment de l’œuvre de Gio Ponti (les modèles mid-mod, Diamond et P.A.N.E), ce qui leur a valu de devenir « les premiers à faire du tapis contemporain fondé sur une racine historique », précise Fabrizio.

Tapis fait main, « La Giudecca », signé Giorgia Zanellato et Daniele Bortotto.
Tapis fait main, « La Giudecca », signé Giorgia Zanellato et Daniele Bortotto. Lorenzo Gironi
La ligne « Oldie » prend cet aspect vieilli que l’on retrouve dans le modèle « Traces d’Aubusson ».
La ligne « Oldie » prend cet aspect vieilli que l’on retrouve dans le modèle « Traces d’Aubusson ». Lorenzo Gironi

Un « cc-tapis » met près de douze semaines à se faire, avec des matériaux en majorité naturels (ou non teintés). Au Népal, le couple Cantoni a fondé une compagnie leur permettant de contrôler l’ensemble du cycle de production : de l’achat des laines himalayennes jusqu’à l’eau du puits pour laver les tapis, purifiée au travers de filtres carbones. « C’est aussi pour cela que nous avons créé cc-for education, qui rescolarise les enfants des tisserands, car nous entretenons des liens forts avec eux », explique Fabrizio. D’autres originalités rendent cc-tapis unique, comme les nœuds de la ligne « Oldie », fait main (au lieu d’être brûlés) pour un aspect vieilli que l’on retrouve dans les modèles Traces d’Orient et Traces d’Aubusson. Forts de ce savoir-faire et d’un réseau de 400 noueurs, les Cantoni fabriquent aussi anonymement pour de grands éditeurs du secteur de l’ameublement et de la décoration, et la majorité de leurs ventes se traduit par du sur mesure pour leurs clients architectes d’intérieur. « Pour notre distribution, nous faisons confiance aux enseignes multimarques de design. Nos prix sont donc les mêmes partout en Europe, de 440 à 1 400 euros le m2 », explique Fabrizio. Certaines demandes particulières impliquent parfois de constituer un nouveau métier à tisser : « Ce fut le cas pour une commande aux États-Unis de 7 mètres de largeur et 11 mètres de longueur, à partir de notre modèle Razor, inspiré du camouflage des bateaux de la Première Guerre mondiale appelé Razzle Dazzle. »

Le tapis « Credenza », de Patricia Urquiola et Federico Pepe, en laine himalayenne et soie.
Le tapis « Credenza », de Patricia Urquiola et Federico Pepe, en laine himalayenne et soie. DR

Dans le fil de ces fantaisies, la collection « Signature » s’est récemment imposée comme une arme de séduction massive grâce aux modèles géométriques griffés Patricia Urquiola, dont le succès se mesure désormais à celui d’autres productions ayant été librement dessinées par Chiara Andreatti, issue du studio de Piero Lissoni (Primitive Weave tire ses traits de la Sécession viennoise), et de la collaboration de Giorgia Zanellato et Daniele Bortotto avec La Giudecca (dont le dégradé de couleurs part du phénomène de l’acqua alta, la marée haute vénitienne). D’autres collaborations importantes sont en cours pour Nelcya et Fabrizio « et c’est ça qui nous rend heureux », se réjouissent-ils.