Pour les Ideat Design Awards, dont la soirée se tenait le lundi 7 avril durant la Milan Design Week 2025, les gagnants ont reçu un trophée habillé par la designeuse Wendy Andreu. Rencontre dans son atelier du nord de Paris.
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Un trophée bien dans sa peau
Connue pour son textile Regen (« pluie » en néerlandais), qu’elle a développé durant ses études à la Design Academy Eindhoven (Pays-Bas), et reconnue pour sa casquette de designeuse artisane du métal et du tissu, Wendy Andreu était une évidence pour penser nos trophées récompensant le meilleur du design 2024.
Parce qu’elle théorise autant qu’elle fabrique – symbiose de ses années d’études à l’école Boulle, spécialité métal, et de son cursus de quatre ans à Eindhoven –, la trentenaire, originaire d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), est capable de développer un projet de A à Z. « Pour les trophées, raconte-t-elle, j’ai pensé à l’archétype du genre et ses déclinaisons en or, argent, bronze et cuivre. Comment retranscrire cela en textile ? »

Elle applique alors sa méthode, déjà déployée pour l’exposition « REMIX : Les Aliénés du Mobilier national ». Elle avait recouvert une chaise, style Empire, de tissu composite en silicone et cordes de coton fabriqué selon son procédé non tissé Regen, et l’avait baptisée Ghost Chair. « C’est un clin d’œil au ready-made de Duchamp. Le trophée sert de moule pour fabriquer une sorte de peau tissée dans laquelle on l’insère ensuite. Cela donne un effet BD, un peu croquis, assez rigolo ! », sourit-elle.
Sur la table de son atelier, les coupes « cheap qu’on va habiller chic », précise la designeuse, sont préparées pour y faire circuler sa corde de coton, devenue sa signature.

« En 2014, à Eindhoven, nous devions choisir un matériau à explorer. Toute l’équipe pédagogique nous poussait à sortir de notre zone de confort. J’ai donc choisi le textile, qui était une matière molle, en totale contradiction avec le métal que je savais manier. Comme je n’avais pas appris à coudre, j’ai commencé par le coller et j’ai développé ce matériau enduit de silicone, baptisé Regen. »
Design en mouvement
Depuis, Wendy Andreu n’a cessé de le décliner : en tapisserie ou en échantillon dès 2018, en assises la même année, en chaise et en ottoman en 2020, puis en fauteuil l’année suivante. En 2022, le textile prend des couleurs et habille une méridienne, puis un tabouret.

En 2024, la maison d’accessoires de mode Polène, pour son projet « Les Mains », demande à la designeuse d’utiliser les chutes de ses sacs. Elle réalisera 200 miroirs où un mélange de coton et de cuir ondule autour de la surface et crée un paysage. Autre matériau qu’elle affectionne, le métal, avec lequel elle s’amuse à élargir son répertoire de formes, graphique, presque inquiétant, à la lisière d’un monde geek où les modules semblent se multiplier à la manière d’un algorithme.
« Je ne veux pas répéter un vocabulaire formel qu’on aurait vu 150 000 fois. Je me creuse la tête pour développer une identité forte. Surtout pas quelque chose de lisse, martèle-t-elle. Je ne veux pas venir avec un concept de mono-produit. J’aime bien, toujours, tout remettre en question. »

Pas étonnant, donc, qu’elle jongle avec des productions pour les galeries telles Nilufar ou Uppercut, des créations pour les maisons d’édition comme Aequo ou Theoreme, mais aussi des commandes de marques Rimowa (bagages) ou Hyosung (motos). Wendy Andreu ne s’interdit rien, pas même de vendre sur son e-shop ses miroirs en corde, ses étagères en acier inoxydable qu’elle a fabriqués ou les bijoux « Flower Series » en corde et en argent. Ni de se frotter à un nouveau matériau : le verre.
Invitée à une résidence de deux ans au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva), à Marseille, elle a cherché à approfondir son propos. À savoir : « Comment produit-on une forme 3D sans chute ? Et comment créer à partir de chutes industrielles ? » En résulte une collection de vases dont le processus de création dicte la forme et la couleur. En laissant libre la matière dans un moule donné, sa ligne « Squeeze Vases » prouve que la designeuse est aussi une formidable coloriste.

Une deuxième création « hyper expérimentale », décrit-elle, réalisée à partir de bouteilles usagées concassées et fondues, sera dévoilée à la Biennale de design de Saint-Étienne fin mai. Ne pas se cantonner à un matériau, expérimenter toujours et encore, voilà qui pourrait décrire celle qui se plaît à proclamer : « J’aime l’idée de prospective où je développe des projets que j’ai décidé d’éprouver. »
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