À la recherche d’une identité architecturale
D’autres terrains d’expériences essaiment dans les barrios situés à proximité du centre. Débarrassés des gangs, ils sont redevenus sûrs, à l’instar d’Escalante, où l’on trouve désormais une centaine de restaurants autour de la Calle33, là où il n’en existait que trois il y a cinq ans. Le botaniste Christian Lesko a choisi quant à lui le quartier Aranjuez, où il a racheté un groupe de maisons victoriennes de style caribéen. « Mon métier est de préserver la nature, confie-t-il. Mais j’ai aussi voulu protéger ce patrimoine urbain de belles demeures en bambou, bois exotique, brique et pisé qui étaient effondrées. Et j’en ai fait une résidence artistique : Casa Botánica. On m’a traité d’illuminé mais, aujourd’hui, Aranjuez revit. »
De fait, le quartier se régénère, se libérant de sa gangue de tôle au profit de haies fleuries. « Notre pays est accro à la nouveauté et néglige son héritage. Heureusement, depuis trois ans, ça bouge. Je suis très optimiste! L’architecture est certainement l’autre axe de développement, à condition de l’orienter vers des constructions vertueuses », analyse Christian Lesko. Car on ne peut s’empêcher de constater qu’ici et là apparaissent des lotissements somptueux avec leurs piscines de marbre, des complexes ultramodernes tels que celui de l’ODM (Daniel Lacayo y Assoc.), destiné à accueillir certains services de la Banque centrale du Costa Rica, et, phénomène nouveau dans cette ville « plate », des tours qui font grincer des dents.
Gensler, la plus grande agence d’architecture au monde avec 6500 collaborateurs, a une antenne ici et des projets sur le feu, dont une « tech city ». Samuel Bermúdez, codirecteur général de l’agence à San José, l’assure : « Les gens cherchent à se loger : 26 000 personnes travaillent dans le centre et habitent ailleurs. Par conséquent, les édifices se développent à la demande des entreprises. Malheureusement, la métropole n’a aucune réflexion d’ensemble pour donner du sens et une identité à cette transformation. » En effet, entre anarchie des constructions, destructions sauvages et esthétiques brouillonnes, San José traverse un cap difficile. Ainsi, la tour ré- sidentielle de 29 étages URBN, inaugurée il y a six mois en centre-ville, fait polémique par sa hauteur qui gâche la vue sur la montagne et par son allure déjà datée, même si son aménagement intérieur est réussi.
Mêmes fausses notes du côté du parc de La Sabana, où le ravissant aéroport de style colonial transformé en beau musée de l’Art costaricien voisine avec la tour du Contraloría General de la República et le Stade national, assénés comme deux vigoureux coups de poing stylistiques. À l’opposé, on salue les petits ensembles privés conçus par l’architecte Víctor Cañas ou la sophistication des immeubles résidentiels signés Bruno Stagno, écologiquement vertueux, accolés au parc du Pérou et à la Nunciatura. L’un de ceux-ci, Le Parc, a été récompensée par la Fédération panaméricaine des associations d’architectes en 2010.
Dans un trait d’humour typiquement costaricien, Bruno Stagno résume bien «son» Chepe : « la ville la plus belle et aussi la plus moche mais finalement la plus géniale pour qui la connaît vraiment ». Vivement que le Costa Rica arrache le rideau de tôle pour que sa capitale retrouve sa beauté et la place qui lui revient sur la scène latino-américaine!