Projets sociaux et réhabilitation en marche
L’architecture sociale est un autre vecteur de reconquête. Ainsi, dans le quartier déshérité de La Carpio, le projet de la Cueva de Luz, lauréat du concours Young Architects in Latin America en 2018, a fait changer bien des regards. Réalisé par l’agence locale Entre Nos Atelier pour la fondation Sifais, qui promeut l’amélioration personnelle et l’intégration sociale, il propose « une structure ouverte, légère et peu intimidante, montée en pin du Chili et reliée par des passerelles ». C’est ainsi que le décrit Alejandro Yave Vallejo Rivas, 34ans, associé de l’agence et concepteur des 1 000 m2 de bibliothèque, atelier de couture, salles de classe et FabLab équipés des dernières technologies.
Alejandro rêve désormais de créer le premier bureau d’architecture et d’urbanisme du Costa Rica au sein d’une mairie –d’où sa candidature aux prochaines élections municipales ! L’évolution est également en marche à Tirrases, où, en 2010, a été érigée La Cometa, un centre d’éducation financé par la municipalité. Dans un paysage verdoyant aux maisons basses, les 12 200m de béton brut de décoffrage détonnent, mais, comme le rappelle l’adjoint au maire, la structure est d’un genre nouveau ici : « La Cometa symbolise le désir d’une vie meilleure et propose un espace public à la communauté déshéritée. Autour, on a développé une promenade, un skatepark, une école et bientôt un restaurant. » Seul hic, le quartier bourgeois situé sur l’autre rive s’oppose à la construction du pont prévu pour le relier à ce barrio jugé trop pauvre.
De son côté, l’architecte Julián Mora, 36ans, a fait renaître il y a dix ans déjà l’impressionnant Edificio Steinvorth (Francisco Tenca, 1907), alors à deux doigts de s’écrouler. Donnant le la au renouveau de San José, ce bâtiment est un modèle d’économie circulaire avec ses salles de spectacle, ses cafés, ses restaurants, ses chambres d’hôte. « Les baby-boomeurs ont rêvé d’une vie rurale, déconnectée de l’urbain, détaille Julián. Leurs enfants, au contraire, en apprécient les infrastructures, les échanges culturels, la possibilité d’aller au travail à vélo ou à pied. En tant qu’architecte, je préfère réutiliser que démolir. Je prône la “postoccupation”. Aujourd’hui, 30 propriétés comme le Steinvorth sont en train de renaître. »
De même, Felipe Pina Castillo, architecte trentenaire, espère redonner vie aux laboratoires, ambassades, cinémas et supermarchés désaffectés. « Ces constructions, certaines exceptionnelles, sont une fantastique opportunité pour ressusciter notre ville, à l’image de la Casa Matute Gómez, un bar couru qui a retrouvé sa beauté grâce à un travail respectueux », assure-t-il. Son objectif du moment : trans- former, à deux pas du Théâtre national, un petit immeuble de 1970 dont Roberto Villalobos est le propriétaire et l’architecte. Abandonnée depuis des années, la bâtisse serait une belle résidence rentable à condition d’y injecter 500 000 dollars. Si Roberto Villalobos réfléchit à cette éventualité, la plupart des riches propriétaires renâclent. « Nos actions sont individuelles, parcellaires. Les jeunes voudraient trouver à se loger, mais les héritiers de ce patrimoine préfèrent le laisser pourrir ou le raser, et nous n’avons aucun soutien politique », fulmine Felipe Pina Castillo.