« Le seul problème de cette bourse, explique le designer Pierre Charpin, validant en creux les propos de la directrice, c’est que l’on demande [de postuler avec] un projet écrit alors que c’est en arrivant que tout se joue… » Il est l’un des nombreux designers à avoir posé ses valises, ses carnets et ses crayons dans ce havre de paix, dont les studios font face à la montagne et tournent le dos à la ville. Parmi les autres résidents, on remarque le duo Christian Ghion et Patrick Nadeau, en 1995 ; Laurence Brabant, en 2006, avec une recherche sur le verre ; et Benjamin Graindorge qui, venu en 2009 pour expérimenter la conception de structures en bois, a finalement choisi de rester spectateur pour se nourrir, encore aujourd’hui, de ce qu’il y a découvert : savoir-faire, sens du détail, travail de la matière…
En 2011, José Lévy a marqué les esprits avec son immense samouraï en papier washi. Son projet avait pour origine des souvenirs familiaux : son grand-père, collectionneur d’art japonais, dirigeait une entreprise de fabrication de tatamis, de kimonos et de bokken (sabres en bois). La travail de l’artiste à la Villa est né de ce dialogue entre le Japon contemporain et les objets de son enfance. Pierre Charpin cultive lui aussi un rapport particulier avec ce pays. « Depuis tout jeune, je nourris une attirance très forte pour le Japon. Une amie de mes parents était spécialiste de la culture nippone et, grâce à elle, je suis en contact avec des pièces, notamment en laque, qui m’ont toujours fasciné et que j’observais comme des éléments d’un autre monde. J’ai donc eu l’idée de développer un projet autour de ce médium. » Finalement, il dessinera beaucoup, passera son temps à peindre et à marcher dans la ville. « Depuis, j’y vais tous les ans, tant cette culture imprègne tout mon travail », confie-t-il.
François Azambourg s’est, lui, attaqué à un autre matériau typiquement japonais. Résident à la Villa Kujoyama de juillet à octobre 2015, il a voulu explorer de nouveaux langages du bois, en associant artisanat et techniques industrielles. Frappé par la qualité et la finesse de certaines chutes d’un atelier de charpenterie de Kyoto, il a ensuite utilisé des copeaux pour imaginer une série d’objets. Dernier résident en design, Samy Rio s’est intéressé à une ressource phare de l’archipel, le bambou. En 2020, il y fera son retour pour coopérer cette fois avec la fabrique de porcelaine Arita.
Charlotte Fouchet-Ishii souligne le rôle de médiateur de la Villa, qui fait germer des partenariats dans la région : « Les artistes débutent ici une histoire avec le Japon, c’est pour cela que nous avons mis en place le “studio de passage”, pour ceux qui souhaitent revenir ponctuellement. La plupart des résidents restent en contact avec les professionnels rencontrés et collaborent avec eux, comme la chorégraphe Mylène Benoit, qui va essayer de présenter son spectacle au Japon l’année prochaine. L’aventure se poursuit aussi en France depuis que nous avons développé le “Studio Villa Kujoyama”. La Cité internationale des arts, à Paris, invite chaque année trois Japonais à venir travailler en France. »
S’ouvrir aux métiers d’art
Hedwige Gronier confirme cette tendance : « Kyoto étant très riche en artisanat d’art, la Villa a pu instaurer un dialogue avec elle. C’est une relation à base de respect mutuel entre les savoir-faire français et japonais, et qui sera accentuée en 2021, à l’occasion de l’événement culturel “La saison de la France au Japon”. » Dans cet esprit de renforcement des liens entre les deux pays, la Villa s’ouvre de plus en plus aux métiers d’art, désormais largement représentés parmi les invités. Les prochains résidents, Flore Falcinelli, laqueuse, et Johan Després, artisan spécialisé dans l’architecture en terre crue, ont à leur tour devant eux des possibilités infinies de découvertes, de rencontres et de projets. On les envie !