«Les résidences à la Villa Kujoyama sont le point de départ d’une aventure, pas un aboutissement… » Depuis sa terrasse avec vue imprenable sur Kyoto, c’est en ces termes que Charlotte Fouchet-Ishii, sa directrice, revient sur le rôle de ce lieu unique au monde. Depuis 1992, cette large tour de béton noyée dans une végétation luxuriante, construite par le Japonais Kunio Kato disciple de Le Corbusier, accueille des artistes et designers pour des projets de recherche en lien avec le Japon.
Mais l’histoire est en réalité plus ancienne. C’est Paul Claudel qui, ambassadeur de France au Japon dans les années 20, a activement œuvré pour le développement de la coopération franco-japonaise. « Cet écrivain adorait Kyoto et il a ouvert le premier centre franco-japonais dans la capitale culturelle de l’archipel », rappelle Charlotte Fouchet-Ishii. Il fait ériger un bâtiment sur un terrain en pente mis à disposition par l’industriel francophile Inabata Katsutaro, un peu à l’écart de l’agglomération, sur le mont Kujoyama. Mais, à la fin des années 30, la France préfère installer un nouvel édifice près du cœur battant de la ville, à proximité des universités… La Villa est abandonnée.
Ce n’est que cinquante ans plus tard, en 1986, que la Société de rapprochement intellectuel franco-japonais et le ministère des Affaires étrangères décident de rebâtir la Villa Kujoyama, grâce au financement du petit-fils d’Inabata Katsutaro. La France, elle, prendra en charge la programmation – la Villa étant l’une des cinq antennes de l’Institut français du Japon. En 1992, la Villa Kujoyama est inaugurée, puis se voit rénovée une vingtaine d’années plus tard, en 2014. Elle accueille, depuis l’origine, le programme de résidence tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Ils sont designers, artisans d’art, écrivains, théoriciens, plasticiens, photographes… et ont tous proposé un sujet en rapport avec le Japon. Ils explorent des thèmes aussi variés que les bains japonais, la teinture à l’indigo, le traitement traditionnel du papier ou le kushi (le peigne local)… « Ils viennent se recentrer sur eux-mêmes, sur leur création, ce qui leur permet de partir dans de nouvelles directions, de prendre des risques… Ce sont des gens qui fonctionnent habituellement en réseau et se retrouvent ici face à eux-mêmes. Ces doutes font souvent bouger les choses », perçoit Charlotte Fouchet-Ishii.
« Grâce à notre mécénat, les résidents n’ont aucune obligation de résultat », poursuit Hedwige Gronier, responsable du mécénat culturel à la Fondation Bettencourt-Schueller, mécène principal de la Villa. Pas d’impératifs, donc, ni de profil type pour répondre à la candidature: tous – confirmés ou très émergents – sont les bienvenus, pour peu qu’ils aient envie d’examiner un point précis ou original du Japon, à travers un angle sociétal ou culturel. Ils investissent alors pendant quelques mois (deux à six, selon le dispositif) l’un des six studios cathédrales monacaux en duplex, des espaces à vivre et à travailler.