«Le titre de cette manifestation, “Traversées”, induit l’idée d’une circulation », précise Emma Lavigne, qui, avec Emmanuelle de Montgazon, assume la direction artistique de l’événement. Un titre inspiré par le travail du philosophe camerounais Jean-Godefroy Bidima, dont la pensée « étend l’articulation entre identité, traversée et mémoire à une constellation de possibles ». Il s’agit donc de transformer cette cité fermée autour de l’ancien palais des comtes du Poitou et ducs d’Aquitaine, joyau gothique du XIe siècle, palais de justice jusqu’à cette année, en une ville ouverte. Et d’interroger la notion d’exil à travers des œuvres disséminées dans différents édifices, de l’église Sainte-Radegonde au musée Sainte-Croix.
Ces lieux prestigieux accueillent de nombreuses installations participatives, à l’image d’Archive of Mind, une table de plus de seize mètres de long sur laquelle sont posées des boules d’argile modelées par les visiteurs et qui trône dans la salle des pas perdus du palais ducal, en écho aux banquets qui s’y déroulaient jadis. Conçue par Kimsooja, cette pièce, censée « raccommoder » les liens entre les hommes, évoque le surnom de l’artiste, qui se qualifie volontiers de « femme-aiguille ».
Repousser les frontières par l’art
Dix-sept autres peintres, sculpteurs ou vidéastes partagent ses réflexions, parmi lesquels Sammy Baloji, né en République démocratique du Congo, l’Indien Subodh Gupta, le Londonien Achilleas Souras ou encore le Taïwanais Lee Mingwei. Eux aussi, se référant à des médiums issus de traditions ayant résisté au temps et à la mondialisation, comme la terre ou le tissu, proposent de vivre une expérience collective à partir de leur propre culture. Autant de tentatives créées pour repousser les frontières à l’heure où l’Europe est confrontée à un afflux de migrants…
> « Traversées / Kimsooja ». À Poitiers (Vienne), jusqu’au 19 janvier 2020.