Un héritage à préserver
Fondée en 1988, Al-Boughaz (« le détroit ») compte parmi les associations les plus actives à travailler à la protection d’un héritage pléthorique et dispersé. Elle oeuvre notamment pour l’inscription de Tanger sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco (comme Casablanca tente également de le faire). « Les années 60 à 80 n’ont pas été tendres pour de nombreuses villas, saccagées ou détruites. En cause, le besoin de logements, l’appétit des promoteurs pour ces ensembles en loques plantés sur des sites exceptionnels, le manque de moyens et d’intérêt gouvernemental – Hassan II n’était pas fan de Tanger, contrairement à son fils, précise son président, Rachid Tafersiti.
« Nous avons néanmoins sauvé le Grand Hôtel Villa de France (1870), où Matisse a séjourné, et, en front de mer, le Dox Monopolio, extraordinaire demeure mauresque (et ancienne Régie des tabacs) qui se retrouve coincée entre des buildings géants. » poursuit Rachid Tafersiti.. Entre 1940 et l’an 2000, le classement aux monuments historiques a concerné 46 sites. En un an, entre 2016 et 2017, l’association a pu en faire inscrire 75 de plus et 100 sont à l’étude.
« L’une de nos victoires a été de stopper le bétonnage de la baie, s’enthousiasme Rachid Tafersiti. Le gouvernement voulait y implanter des usines. On a défendu nos grains de sable, car sinon la cité historique était fichue. Les constructions sauvages qui défiguraient la ville moderne ont été rasées. Nous souhaitons maintenant que leurs bribes encore accrochées aux remparts disparaissent. Sa Majesté Mohammed VI a aussi entendu nos arguments concernant le projet “Tanger métropole”. C’est ainsi que le port de pêche a été rénové et déplacé au pied de la médina, tandis que le grand port commercial et passagers Tanger Med s’est installé plus loin, à 40 km. »
C’est que l’enjeu touristique est de taille. La « Perle du Nord » a envoûté des célébrités comme Truman Capote, Michel Foucault, Eugène Delacroix ou Henri Matisse. Mick Jagger a logé dans la médina chez l’excentrique Barbara Hutton. Fascinés à leur tour, Bernard-Henri Lévy, Yves Taralon, Hervé Van der Straeten… résident ou résidaient régulièrement dans leur villa tangéroise. « Il n’existe pas de relevé architectural de Tanger, contrairement à Casablanca. La mémoire de ses architectes se perd, reconnaît Rachid Tafersiti. Toutefois, la valeur et la beauté des réalisations font bouger les Tangérois. Al-Boughaz a été fondée par sept personnes seulement, mais des centaines d’autres la soutiennent désormais, y compris à l’étranger. »
BOIRE UN VERRE
Café Hafa : Spot incontournable, depuis 1921, pour le thé à la menthe et la cascade de terrasses tombant sur la falaise. > Avenue Mohammed-Tazi.