Difficile de lui accoler un genre… Bucarest n’est pas unique, elle est multiple ! A l’image de son passé. On peut lire son Histoire à travers son architecture. Il suffit pour cela de lever les yeux sur les chefs-d’oeuvre qu’elle abrite. Passée sous la tutelle d’innombrables protecteurs, la capitale de la Roumanie affiche aujourd’hui un visage singulier. Bucarest a été modelé aussi bien par l’empire Ottoman, qu’influencé par l’architecture française et forgé par le communisme. Il n’est pas rare, qu’au détour d’une avenue le regard du visiteur s’arrête à la fois sur une magnifique église orthodoxe, un arc de triomphe ainsi que sur une massive barre d’habitation de type soviétique. Pour comprendre cette richesse et cette diversité, il faut remonter plusieurs siècles en arrière.
Située aux confins de l’Europe centrale, la Roumanie s’est toujours distinguée de ses voisins. Bien qu’entourée de pays slaves, elle revendique fièrement sa culture latine. Au fait de sa puissance, le vaste empire Romain avait étendu ses tentacules jusqu’à la Dacie, l’actuelle Roumanie et imposé leur langue. Une parenté que les Roumains portent encore en haute estime. Cette origine latine, la Roumanie l’a toujours soulignée, notamment par sa culture et son architecture. Et en particulier celle qui la liait à la France. Dès le XVIIe siècle, pendant la période des Lumières, les deux pays nouent une forte amitié. De ses échanges fructueux avec la France, la Roumanie conservera son système juridique… et le passage de nombreux architectes français sur son sol. Au XIXe siècle, Bucarest voit fleurir plusieurs constructions de française dont le magnifique Palais de la Banque Nationale (1883-1885) par Cassien Bernard et Albert Galleron mais aussi le Ministère de l’Agriculture (1896) et la Faculté de Médecine (1902) par Louis Blanc. Il devient alors monnaie courante pour les apprentis architectes roumains d’étudier à Paris aux Beaux-Arts, comme le feront Ion Mincu, I.D Berindei ou encore Alexandru Savulescu. Le résultat de ne se fait pas attendre. Très vite, des bâtiments aux influences néo-classiques puis carrément haussmanniens bourgeonnent dans la capitale. Dès lors, sa réputation enfle et elle devient le « Petit Paris ».
L’arrivée des communistes change la donne au XXe siècle. La ville déborde d’une nouvelle énergie qui casse les codes architecturaux. En 1984, son conducător (guide en roumain) Nicolae Ceaușescu se lance dans un chantier colossal pour écrire sa propre histoire. Le dictateur profite d’un puissant tremblement de terre pour faire raser une large partie de la ville et le remplacer par des immeubles de style soviétique. Cette politique de reconstruction s’incarne surtout dans le Palais du Peuple, aujourd’hui devenu Palais du parlement. La construction de ce bâtiment monstrueux (le deuxième plus grand bâtiment administratif du monde derrière le Pentagone) nécessite la destruction préalable d’un cinquième du centre historique. Aujourd’hui, ses 350 000 m2 abritent donc la parlement national mais aussi un musée d’art contemporain, une partie historique… Autant dire que sa visite est un must !
En 1989, la chute du dictateur entraîne avec elle la fin des constructions staliniennes. Les Bucarestois mettent à bas les statues soviétiques et privilégient une autre partie de leur histoire, celle de leur monarchie. Depuis 2010 ce n’est plus la silhouette de Lénine qui fait face à la Calea Victoriei mais celle de l’ancien monarque Carol I, premier roi de la Roumanie couronné en 1881. Sur cette même rue, Bucarest offre un aperçu de sa nouvelle identité. Soucieuse de conserver son lien avec l’architecture qui lui assurait son surnom de petit Paris, elle s’est ainsi débarrassé de la structure encombrante de son célèbre Novotel pour lui offrir une ossature en verre tout en préservant sa façade d’origine. Symbole s’il en est de son attachement au patrimoine et sa volonté d’aller de l’avant…