Turin est-elle un lieu d’inspiration ou de ressourcement ?
Un lieu d’inspiration car c’est peut-être l’une des villes les plus culturelles d’Italie. Il y a toujours quelque chose de nouveau à y voir. L’architecture y est remarquable, de la chapelle baroque du Saint Suaire au Lingotto géant, que Le Corbusier a qualifié d’exemple rare de véritable architecture moderne.
Un bâtiment en particulier ?
L’ancienne Bourse des valeurs, par les architectes Gabetti & Isola. Née au milieu des années 50, elle est parfois utilisée comme salle d’exposition. Nous l’aimons vraiment car elle est un exemple exceptionnel de l’architecture italienne de cette période, qui associe des structures audacieuses à des éléments décoratifs du passé : une pièce moderne capable de dialoguer avec l’environnement antique.
À quel créateur – architecte ou designer – associez-vous cette ville ?
À Carlo Mollino (1905-1973), un outsider du design italien. Tout ce qu’il a conçu est à la fois extravagant et élégant, sensuel et technologique. Mollino a non seulement imaginé des meubles emblématiques, mais il a aussi été photographe, sportif, bon vivant et, avant tout, un architecte extraordinaire. À Turin, impossible de manquer son impressionnant Teatro Regio, aux intérieurs incomparables.
Quelque chose qui vous y émeut ?
C’est ici que les hommes politiques et les intellectuels du XIXe ont lancé le processus ayant abouti à l’unification de l’Italie. Chaque fois que nous passons devant le restaurant Del Cambio, sur la Piazza Carignano, où Camillo Benso Di Cavour dînait, nous avons des frissons.
Une adresse déco à ne pas manquer ?
Turin est la version italienne de Détroit. Elle a écrit l’histoire de la motorisation de masse et vit aujourd’hui une grave crise d’identité. La collection du musée national de l’Automobile comprend de nombreux chefs-d’oeuvre des carrossiers de l’âge d’or du design automobile, tels que Bertone et Pininfarina.
Un lieu idéal pour dîner ?
Decoratori e Imbianchini, une trattoria très simple avec de vrais plats de tradition locale.
Un hôtel pour séjourner ?
Le petit hôtel San Giors, un lieu bohème du quartier populaire de Porta Palazzo où logeaient artistes et poètes. Aujourd’hui, même entièrement rénové, il a conservé tout son charme.
Une promenade à faire ?
De la Piazza Castello à la Piazza San Carlo, en passant par les porches du boulevard qui les relie. Il faut rester une heure dans l’un des cafés historiques, comme le Baratti & Milano, boire du chocolat chaud et goûter les gâteaux.
Un musée à arpenter ?
Le Castello di Rivoli, un ancien bâtiment surprenant, jamais terminé, transformé en musée d’Art contemporain. La collection comprend certaines des pièces les plus puissantes de Maurizio Cattelan, comme Charlie Don’t Surf (1997). Et les expositions temporaires sont toujours très intéressantes.
La plus jolie vue ?
Nous adorons monter sur les hauteurs pour voir la vieille ville de l’autre côté de la rivière. Depuis le Monte dei Cappuccini, on peut admirer la Mole Antonelliana qui se détache des Alpes, à l’arrière-plan. Il faut aussi monter au sommet de la Mole voir comment la Turin moderne suit le plan de l’ancienne ville romaine.
Votre saison préférée à Turin ?
Début novembre, pour Artissima, la foire d’art contemporain. Il faut aussi jeter un coup d’oeil aux musées et galeries ouverts de nuit. Turin abrite certaines des plus prestigieuses institutions publiques et privées : la Fondation Sandretto Re Rebaudengo, la Fondation Merz, le site des OGR… Il faut plusieurs jours pour les voir toutes !
La spécialité culinaire ?
À Turin, comme ailleurs en Italie, on prend la nourriture au sérieux et avec une capacité entrepreneuriale remarquable. C’est là qu’ont ouvert les premiers magasins Eataly et Grom, des révolutions de l’alimentation à grande échelle. Ce que vous ne trouverez nulle part ailleurs : le traditionnel fritto misto alla piemontese, une combinaison originale de viandes, d’abats, de fruits et de sucreries frits à l’huile.
Une personnalité emblématique ?
Carol Rama, peintre à la renommée très tardive. Il y a soixante-dix ans, il était impossible d’être à la fois une artiste avant-gardiste et une femme. Ses oeuvres reflètent sa vie personnelle et sont très explicites, parfois dérangeantes. Devant le scandale, sa première exposition, en 1945, a dû être fermée par la police.
Que rapporter de Turin ?
Des gianduiotti, des bouchées au gianduja (un mélange de chocolat et de noisettes du Piémont).
Ce qui vous manque quand vous quittez cette ville ?
Son atmosphère, qui nous rappelle la France…