Friperies et meubles « upcycling »
Si Gängeviertel, le cœur artistique de la ville, est coincé à l’est parmi les beaux quartiers, c’est à l’ouest, contrairement à Berlin, que se trouvent les zones en cours de gentrification. À l’instar de Sankt Pauli et sa Reeperbahn, lieu de toutes les extravagances, règne du street art. Les labels musicaux y ont installé leurs QG, les disquaires sont au coude à coude et, à la tombée de la nuit, l’ambiance s’enflamme. Ces villages aux jolies places fleuries ont vu les prix de l’immobilier décoller ces cinq dernières années. C’est le repère des familles, des jeunes cadres à poussettes, des coffee-shops torréfacteurs et des boutiques de designers. Ici, on s’habille de fripes et on se meuble « upcycling ».
Et puis il y a le Sud, l’ouverture vers le fleuve et la mer : HafenCity. Sous ce nom de code, le gigantesque projet réinvente l’urbanisme de la ville en gagnant sur les eaux pour répondre à l’irrépressible poussée démographique. À proximité immédiate du centre-ville, il jouxte le ravissant secteur de Speicherstadt, l’ancien quartier des entrepôts, habillé de pavés et de briques rouges où flottent encore les parfums des caisses de thés importés du bout du monde. Juste à côté, les 155 hectares de HafenCity, édifiés à la place d’anciens hangars portuaires, laissent progressivement place à une ville futuriste. Les concours d’architecture se succèdent et les tours de verre et d’acier s’élèvent, voisines de l’Elbphilharmonie devenue l’ambassadrice de cette mutation.
Au début des années 2000, les promoteurs se sont concentrés sur le développement économique de la zone, avant de prendre conscience que, sans culture, le quartier ne pourrait pas se développer. Le théâtre s’est invité à travers des festivals d’été sous des chapiteaux éphémères, la musique sur différentes scènes alternatives en plein air, et quelques galeries commencent timidement à s’installer. Le futur de la cité s’écrit au contact de l’eau. C’est ainsi que l’on avait rêvé Hambourg et, même si cette ville appelle à réviser tous ses clichés, c’est ainsi qu’elle se confirme : altière, magnifique. Cachée derrière son masque de respectabilité, son caractère rebelle, épicurien, ne cesse de regarder en avant.