Le meilleur roman de voyage ?
Alain Genestar : Sur la route, de Jack Kerouac, que j’ai lu vers 16 ou 17 ans. À cet âge, on a forcément envie de prendre la route. Au début je n’y ai vu qu’un récit. Adulte, j’ai compris le message. Ce livre fondateur m’a permis de lire les autres.
Le film qui parle le mieux de l’ailleurs ?
L’Île nue, de Kaneto Shindo, un film muet de 1960 qui a marqué mon enfance normande. L’histoire d’un couple qui vit reclus sur une île de l’archipel nippon. Ce film m’a amené au-delà de ce que je pouvais imaginer. Plus tard, j’ai été frappé par un autre chef-d’œuvre de voyage dans le temps et l’espace : L’homme qui voulut être roi (1975), avec Sean Connery. John Huston nous y emmène aux Indes avec l’armée anglaise, on parcourt avec lui l’Himalaya pour arriver dans les vallées d’Afghanistan. J’aime cette idée de passer des cols après des épreuves et de trouver des vallées magnifiques…
Le plus beau livre de voyage ?
Les Américains, de Robert Frank. C’est le livre d’un vrai voyageur qui prend des photos et pas celui d’un photographe. On peut ainsi aisément se mettre à sa place. J’aime cette façon d’immortaliser des gens sans être voyeur. C’est aussi un portrait de l’Amérique avec un regard extérieur, celui d’un Suisse. C’est très important le regard extérieur, c’est celui de l’envoyé spécial qui a de la distance.
Le photographe qui parle le mieux de l’ailleurs ?
Sebastião Salgado, qui investit une partie de sa vie à chaque fois qu’il part photographier, que ce soient les migrants, les ouvriers ou les pompiers. Il a une formation d’économiste et voit ainsi les choses dans un cadre plus grand que les autres. Il est toujours dans une démonstration. Ses photos sont comme des thèses.
La photo qui évoque le voyage pour vous ?
Une photo de Marc Riboud prise dans les années 1990, au Cambodge, à Angkor. Il s’agit d’un temple pris dans des lianes. Sur la gauche de la photo se dresse une sorte de porte et des pierres qui ressemblent à un sherpa qui escaladerait quelque chose. C’est juste un paysage de pierres et de lianes. J’aime la notion de temps illustrée ici par la nature indomptée. Les photos de voyage doivent laisser libre cours à l’imaginaire comme c’est le cas ici.
La destination que vous trouvez le plus photogénique ?
Une me semble évidente : la pointe de l’île Saint-Louis du côté de l’île de la Cité, vers 18 heures, en hiver. Les formidables reflets de la lumière des lampadaires, de la pluie et, au premier plan, des amoureux qui s’embrassent sur les bancs publics. Au fond, l’île de la Cité, les tours de Notre-Dame et des mouettes qui passent. C’est une photo impossible à rater…
Quel est votre mode de transport favori ?
L’avion, d’abord parce qu’il y fait toujours beau, puisqu’on finit toujours par percer les nuages ! J’aime beaucoup arriver en avance pour profiter de l’atmosphère des aéroports qui sont un fantastique carrefour du monde. J’adore y croiser des gens bronzés en plein hiver, des gens qui ont vécu de grandes peines ou au contraire sont follement heureux. Je trouve cette ambiance d’un romantisme incroyable…
Quel est le plus voyage que vous ayez fait ?
Au début des années 70, je viens de me marier, ma femme et moi sommes encore étudiants, je viens de construire un buggy sur la base du châssis d’une Volkswagen accidentée. Nous avons embarqué à Marseille pour Alger, puis sommes descendus jusqu’aux oasis du Sud tunisien pour remonter par la Sicile, Rome, avant une dernière étape à Megève pour manger une tarte aux myrtilles. Ce fut mon premier voyage d’aventure et il m’a aguerri, donné confiance en moi, et m’a appris à voyager. Tout le long de ce périple, j’ai ressenti une fraternité incroyable.
Ce qui vous gêne dans le voyage contemporain ?
Rien, parce que le voyage contemporain est moins cher qu’avant, plus rapide et offre plus de choix sans rien avoir perdu de son exotisme !
Le voyage de vos rêves ?
Monter dans un taxi avec ma femme, arriver à Roissy, choisir ensemble une destination au guichet d’Air France, acheter une valise et des vêtements, aller dans un bon restaurant et monter dans l’avion. Plutôt en première, puisque c’est d’un voyage de rêve dont on parle !
Où se cache la ville du futur ?
Le monde est tellement incertain que je ne peux pas répondre, mais c’est celle que nous construirons. Quelle place va-t-on donner à l’homme ? Comment va-t-on le protéger ? Est-ce que l’on va continuer à rouspéter – moi le premier – parce que notre maire a le courage de dire aux voitures que leur place n’est plus en ville sinon nous allons tous en mourir ? Cette ville du futur, je la souhaite surtout en paix…