Un tissu urbain en recomposition
En quelques minutes, on rejoint l’hypercentre, où se trouvent les galeries ainsi que la plupart des autres musées : le MAKK (musée des Arts appliqués), le Wallraf-Richartz, le Kölnischer Kunstverein (musée d’Art contemporain), le musée ethnographique de Rautenstrauch-Joest… Quant au Kolumba, il donne à sa manière le change au Ludwig. La qualité des accrochages autant que l’intérêt du bâtiment, dessiné par Peter Zumthor, valent vraiment le détour. Il aura fallu une dizaine d’années à l’architecte suisse pour finaliser le projet de ce musée d’art rattaché au diocèse de Cologne et dont la forme a totalement vu le jour en 2007 sur les vestiges de l’église Sainte-Colombe.
Rassemblé depuis les années 1850, le fonds en est extrêmement riche et varié, avec des pièces rattachées aussi bien à l’histoire de la chrétienté qu’à celle de l’art contemporain. De fait, chaque exposition est le reflet de cette diversité que l’architecture de Zumthor, tout en détail, magnifie à merveille. Ce bâtiment est sans conteste l’une des pièces maîtresses des enjeux architecturaux qui se dessinent aujourd’hui dans cette ville en grande partie détruite durant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis une vingtaine d’années, la métropole a accueilli des réalisations de grands noms tels que Jean Nouvel, Renzo Piano, Norman Foster, qui redynamisent un tissu urbain bâti à la va-vite dans les années 50. Ainsi, des quartiers renaissent sous l’impulsion d’actions immobilières qui visent à une certaine qualité de vie. À l’image de celui de Rheinhaufen, dans le sud de la ville, qui, comme son nom l’indique, est le fruit de la réhabilitation des anciens docks, répartis sur plus de 15 hectares le long du Rhin.
Un art de vivre préservé
C’est aussi le cas d’une portion urbaine d’ores et déjà baptisée Gerling Quartier, qui devrait à terme devenir l’un des emplacements huppés de Cologne. Au cours du XXe siècle, sous la conduite d’un patron bâtisseur, la compagnie d’assurances Gerling s’était développée là, en plein centre-ville, à la manière d’un quartier autonome. Michael Kaune, propriétaire de l’hôtel Qvest voisin, raconte : « Hans Gerling avait à ce point développé son entreprise qu’il avait créé un quartier à part entière pour y accueillir tous ses bureaux. Lorsqu’il est mort et que le fonds de la société a été vendu s’est posée la question du destin de cette miniville dont certains édifices gardaient l’empreinte délicate d’Albert Speer et d’Arno Breker, deux créateurs très liés au mouvement nazi. Finalement, un promoteur immobilier a décidé de rénover totalement ces constructions à l’identique, pour en faire un ensemble résidentiel haut de gamme. »
Pour sa part, Michael Kaune est arrivé au bon moment et a pu mettre la main sur un édifice néogothique de la fin du XIXe siècle, situé en bordure immédiate du quartier et qui abritait autrefois les archives de la ville. Désormais, l’endroit est occupé par un hôtel aménagé à grand renfort de design vintage (signé Charles et Ray Eames, Mies van der Rohe, Arne Jacobsen…), pour le plaisir de ses hôtes en quête d’un art de vivre non formaté.
Le projet a récemment pris de l’ampleur avec l’ouverture d’un restaurant et la création d’une quinzaine de nouvelles chambres et résidences dans des bâtiments mitoyens. « Ce quartier est idéalement situé, très calme, voire un peu secret. Je le connais bien car j’y suis né, ce qui explique que j’ai particulièrement à cœur de contribuer à son devenir », confie le propriétaire.
Effectivement, en dix minutes à pied, on se retrouve aussi bien à la gare et dans ses artères commerciales adjacentes qu’au cœur du quartier belge – où les rues portent toutes le nom d’une ville belge –, bastion depuis plusieurs années de la branchitude à Cologne. Là, c’est une autre image de la ville qui se révèle : celle de beaux immeubles bourgeois du XIXe siècle qui ont été épargnés pas les bombardements. Celle aussi d’une zone très verte où il fait bon venir se prélasser, notamment dans le parc de Stadtgarten, où un sympathique Biergarten (brasserie en plein air) se déploie aux beaux jours pour le plaisir des hipsters comme des familles.
Et, si certains disent que la scène créative a désormais migré vers Ehrenfeld, en périphérie, il est bien difficile d’ignorer les bars, restaurants, galeries et boutiques de mode et de design qui continuent de jalonner le quartier. Et de mettre quiconque au défi de ne pas craquer pour ce bout de Cologne qui affiche un art de vivre branché et pourtant encore épargné par les spéculations.