A plus de 15 000 kilomètres de la France se cache l’un des territoires les plus précieux. La Polynésie française est souvent réduite à Tahiti, son île la plus développée. Pourtant les archipels qui l’entourent sont d’autant plus merveilleux que beaucoup demeurent méconnus. C’est le cas de Tetiaroa, à seulement 20 minutes d’avion : un atoll où se blottit un hôtel paradisiaque, The Brando, rêvé et impulsé par Marlon Brando lui-même.
Le rêve de Marlon Brando
Tout est hors du commun. On atteint The Brando par avion privé, un Twin Otter dans lequel n’embarquent que douze passagers au maximum après avoir attendu dans un salon privatif ravissant. Depuis les airs, on se perd dans la vue idyllique qu’offre le lagon dans lequel baignent les 12 motus (« îlots » en Polynésien) qui forment Tetiaroa, cerclé du récif coralien. A l’atterrissage, enfin, on nous offre un collier de fleurs de tiarés, symbole de bienvenue en Polynésie, qui embaume l’air. Le tout au son du ukulélé.
Cet hôtel est né de la volonté d’un homme soucieux de préserver le patrimoine d’un sanctuaire immaculé. L’acteur Marlon Brando se rend en Polynésie française pour le tournage des Révoltés du Bounty (1962). Il y tombe doublement amoureux : de l’actrice polynésienne qui joue sa compagne dans les Révoltés, Tarita Teriipaia (ils auront deux enfants), et de Tetiaroa, un atoll qu’il aperçoit au loin depuis son pied-à-terre de Tahiti, là où le film a été en majeure partie tourné.
En 1967, Brando rachète l’atoll à la famille Williams, des Australiens dont le patriarche restait le seul dentiste de Tahiti. L’acteur se fait construire une maison sur le motu de Tahuna iti, surnommé depuis « l’île aux oiseaux » car de nombreuses espèces y nichent. Il fait ensuite sortir de terre un hôtel modeste, le Tetiaroa Village, à quelques rames de pirogue. Les chalets, rustiques, n’ont rien à voir avec les villas qui forment désormais l’écosystème de The Brando sur le motu d’Onetahi.
A la fin des années 1990, l’acteur est de retour en Californie. Loin de son atoll, il poursuit son rêve. « J’aimerais établir à Tetiaroa une communauté autosuffisante où se trouveraient associés la recherche et la formation, l’agriculture, l’aquaculture et le tourisme au sein d’un environnement préservé pour le bénéfice de tous. Et créer une communauté non polluante qui ne bouleverserait pas l’équilibre écologique du lagon ». Richard Bailey transformera ces paroles en réalité.
L’entrepreneur est le grand patron de Pacific Beachcomber, un opérateur spécialisé dans le tourisme de ce côté du monde. Les deux hommes se ressemblent : il est lui aussi américain, vit en Polynésie et a épousé une Tahitienne. Grâce aux fonds et au savoir-faire de Pacific Beachcomber qui possède alors sept hôtels dans la région, tout s’accélère.
Marlon Brando ne sera pas là pour célébrer l’inauguration de l’hôtel le 1er juillet 2014, exactement dix ans après sa mort. Ses souhaits auront pourtant été exaucés et sa vision d’une hôtellerie vertueuse respectée ; The Brando se targue aujourd’hui d’être l’hôtel le plus écolo au monde.
The Brando : un paradis vert lagon
Difficile de croire que luxe puisse rimer avec écologie. The Brando fut pourtant l’un des pionniers de l’hôtellerie ultra haut de gamme à bâtir ses installations avec l’avenir de la planète, a fortiori de sa constellation d’îlots, comme leitmotiv.
Le personnel ne pointe pas tous les aménagements qui ont pourtant été pensés pour être les plus responsables possibles, et ce depuis les années 2000, lors de la conception de l’hôtel — le « Green Tour » est une excursion axée sur ce thème pour les clients les plus curieux. On préfère souligner la beauté du lieu et le caractère exceptionnel de sa situation géographique lors d’une visite en buggy, à travers les 36 villas qui composent le complexe.
The Brando s’élève au rang de modèle dans bien des domaines : équipements écologiques, intégrations dans le territoire, sauvegarde de la faune et de la flore indigènes, sensibilisation et éducation des générations futures à travers son association Tetiaroa Society.
Marlon Brando ambitionnait pour son hôtel de devenir un laboratoire qui apporterait des solutions testées et approuvées à petite échelle aux grands de demain. The Brando s’est donc construit sur ces préceptes, cherchant pour chaque problématique la réponse la plus écologique. Les climatisations, par exemple, indispensables à un resort situé dans une région où les 30 degrés sont la norme (été comme hiver), sont alimentées par de l’eau de mer puisée en profondeur. Appelé « Sea Water Air Conditioning » (SWAC), ce protocole sans gaspillage ni souillage a d’abord été éprouvé à l’InterContinental de Bora Bora ; The Brando fut le second hôtel au monde à l’installer. Depuis, le système équipe de nombreux hôtels mais aussi l’hôpital de Papeete.
Un programme de tri en chambre a été initié dès l’ouverture de The Brando, tout comme une politique zéro plastique notamment soutenue par l’installation de fontaines disposées le long du chemin, permettant aux clients de remplir leurs gourdes — fournies aux clients. Barack Obama, Lady Gaga ou encore le Prince Albert — des réguliers — se sont-ils déjà plaints de ne pas avoir leur Evian livrée chaque matin ? On nous jure que non.
Les produits disposés dans les salles de bain sont en grand format et des accessoires comme les chaussons d’intérieur ou les tongs ne sont pas emballés dans un sachet plastique.
Une architecture intégrée dans son environnement
La conception architecturale de l’hôtel The Brando s’est également attachée à être le plus écologiquement neutre.Un bois endémique, le ‘aito, a notamment été largement utilisé pour les poutres. Les autres matériaux utilisés pour l’ouvrage ont néanmoins été majoritairement importés, la Polynésie ayant une surface terrestre trop réduite pour produire du bois à usage commercial à cette échelle.
Les villas sont disposées sur un seul étage — à l’exception de La Résidence, la toute nouvelle offre de quatre chambres installées à l’abri des regards — afin de ne pas dépasser la ligne des cocotiers, et ainsi rester planquées. Leurs toits, pointus, reprennent la tradition polynésienne, recouverts de feuilles de pandanus séchées puis tressées.
Le bois demeure la matière principale des meubles exécutés pour l’occasion par des artisans locaux. Robustes et intemporels, ceux-ci n’ont pas pris une ride depuis l’ouverture de l’hôtel en 2014, un exploit qui induit aussi la durabilité comme critère supplémentaire des équipements de l’hôtel.
Jean Imbert, chef au Brando !
Comment taire la nouvelle qui secoua la Polynésie début mars 2023 ? Séduit par l’engagement radical de l’hôtel et, bien sûr, sa beauté naturelle, Jean Imbert vient d’accepter une nouvelle mission : celle d’occuper le poste de chef des cuisines des Mutinés, la table gastronomique de The Brando.
Dans la continuité de la philosophie de Marlon Brando, le chef français propose un menu qui célèbre le métissage. D’inspiration française mais de consistance ilienne, sa carte qui reprend quelques unes de ses créations phares (notamment son carpaccio de fruit en entrée, vu dans Top Chef) twistées au goût local (ici, il se compose de fines tranches de fruits saisonniers agrémentées de crevettes du lagon).
Jean Imbert s’est bien entendu laissé porter par la découverte des trésors de l’atoll pour créer le reste de la carte. Les gnocchis de uru — le fruit de l’arbre à pain — sont remarquables, travaillés en deux façons, vanille-coco et aux herbes des îles. Le poisson du lagon (qui changera en fonction du retour de pêche) cuit en feuille de bananier surprendra ses clients chaque jour. Le soufflé au miel de l’atoll, quant à lui, fera découvrir le travail des abeilles locales.
Voilà donc une bonne occasion de découvrir la table des Mutinés, un nom qui fait d’ailleurs référence au film de Brando et qui lui rend hommage à travers son architecture, une forme de coque de bateau inversée. Sa décoration sera revampée courant 2023.
> Hôtel The Brando. Trois nuits minimum. Réservations.