Tendances 2026 : aperçu de ce qui va remuer nos intérieurs

Sale temps pour les blasés, le Salon de Milan n’a jamais été aussi intéressant. Parce qu’en plus des nouveautés, Il Salone, sur la foire et en ville, est aussi un espace culturel. On y réfléchit sur l’art, l’économie ou le développement durable. Pas seulement lors de talks à bord d’un train vintage en direction du lac de Côme, mais à chaque instant.

À Milan, tout nous stimule : les produits, les designers, les architectes, les éditeurs ou encore les vitrines de la mode, nouvelles actrices du design. Côté frontières franchies, on ne s’étonne plus des performances arty dans les cocktails, cela existe à Milan depuis mille ans ! Ce millésime 2025 de la Fiera et de la Milan Design Week, sillonné sans œillères, participe d’un design innovant, nouveaux enjeux obligent, sans faire table rase du passé.


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Le voyage comme laboratoire du design

Icône du design des années 1950, le train Arlecchino, conçu à l’origine par Gio Ponti et Giulio Minoletti, puis restauré par l’entreprise ferroviaire FS Italiane en 2020, sert de lieu de discussion pour la quatrième édition de Prada Frames, un symposium stimulant organisé par le duo de designers FormaFantasma, en parallèle du Salon de Milan.

Intitulé « In Transit », le thème de cette année explore l’infrastructure en tant que système fluide dans sa globalité, qu’il s’agisse de personnes, d’énergie ou de mouvements. Muni de son billet, IDEAT a eu l’opportunité de faire un aller-retour jusqu’au lac de Côme à bord du train.

Son extérieur et sa ligne reflètent le mouvement d’architecture Streamline, aussi appelé Style Paquebot, des années 1930 tandis que son intérieur est composé de salons panoramiques, où l’on peut faire des rencontres, et de wagons aux sièges inspirés des couleurs des personnages de la commedia dell’arte. Un voyage hors du temps. A.S.


Théâtre textile

La Design Week de Milan est aussi (surtout ?) l’occasion de pénétrer dans des lieux secrets, dans des palais jalousement gardés ou encore dans des immeubles cultes réservés aux résidents. C’est le cas de la tour Velasca, réalisée entre 1956 et 1958 par l’agence BBPR.

Au 26e et dernier étage de ce gratte-ciel brutaliste haut de 106 mètres, la vue panoramique sur la ville à l’heure du soleil couchant volerait presque la vedette à l’exposition pour laquelle tous les curieux font la queue. Celle de Dedar, qui a aménagé l’espace comme un atelier textile pris sur le vif pour y présenter une première série de tissus inspirés par cinq œuvres réalisées entre 1936 et 1974 par Anni Albers, grande artiste du Bauhaus.

Autre installation démente, autre fabricant d’étoffes d’exception : Rubelli disposait les sublimes brocarts aux reflets irisés signés Peter Marino sur des échafaudages de métal, en écho à la façade en chantier de sa boutique via Fatebenefratelli. Une bonne façon de se jouer de la situation ! M.V.


Shearling, puzzle et folklore pastoral

« J’ai été particulièrement touché par la façon dont Yves Salomon a réinterprété certains meubles cultes de Pierre Chapo, habillés pour l’occasion d’intarsia de peaux lainées upcyclées, ce savoir-faire immense qui permet d’intégrer du dessin à la fourrure, confiait l’artiste Pierre Marie, dans la cour médiévale du 7 via Santo Spirito, pendant la Semaine du design à Milan.Dès que je vois une technique qui permet d’appliquer du dessin, de la couleur, à un support, je me sens de suite visé ! »

Le 23 décembre dernier, c’est topé : l’ornemaniste et le fourreur français se réuniront à Milan pour y présenter le fruit de leur collaboration, une collection de dix-sept œuvres uniques, aux sublimes motifs, confectionnées grâce à ce procédé de puzzle de shearling.

« La pièce maîtresse est le mouton. Je voulais rendre hommage à l’animal qui nous fait cadeau, si l’on peut dire, de sa peau. Il est d’un coup devenu pour moi un symbole d’innocence, de retour à la nature, de ce thème de la pastorale, de ce fantasme qu’avaient la noblesse et la bourgeoisie pour les figures de bergers et de bergères, à l’instar de Fernando Pessoa, qui se rêvait, dans l’un de ses poèmes, gardien de troupeaux. » M.V.


Couleur fatale : le bourgogne, plus chic que sanglant

Mis sur le devant de la scène l’année dernière par Gucci, ce rouge sang, dit Bourgogne, nous a tapé dans l’œil. On l’a vu, par exemple, chez Pedrali, pour réveiller leur chaise Coney signé CMP Design. On l’a repéré chez Faro Barcelona, sur leur lampe Matilda, qui, revêtue ainsi, prenait un air vintage.

Chez EMU, la chaise Yard de Stefan Diez se colorait pour la première fois de ce rouge si profond.
Chez EMU, la chaise Yard de Stefan Diez se colorait pour la première fois de ce rouge si profond. omar sartor

Également, chez EMU, la chaise Yard de Stefan Diez se colorait pour la première fois de ce rouge si profond. On l’a retrouvé chez Thonet, qui collaborait pour la première fois avec la designeuse Jil Sander. Papesse d’une esthétique chic et minimaliste, elle avait choisi, entre autres, cette couleur pour habiller sa version de la S64 de Marcel Breuer.

Citons aussi, la collection « Passage » de Ronan Bouroullec pour Kettal, le fauteuil Super Frog de Piero Lissoni, édité par Living Divani, comme la collection « Lodge » de Christophe Pillet pour Ethimo, disponible dans cette teinte. Quant à Poliform, leur console Nara par Jean-Marie Massaud se pare désormais d’une finition rouge glossy. Coïncidence? Nous ne le croyons pas. B.P.


Du salon à la route

L’union tout à fait italienne entre Giorgetti et Maserati donne naissance à une collection de meubles et à une voiture au design sur mesure, la Maserati Grecale Giorgetti Edition. De son côté, Renault en a profité pour présenter le look rétrofuturiste (et en version électrique) de la Renault 17, née en 1971, en collaboration avec le designer Ora Ïto et rebaptisée R17 Electric Restomod.

Toujours dans le spatio-temporel, en collaboration avec le studio de design Nuova, l’incontournable Range Rover voyage de 1970 à 2025 à travers une installation métamorphosant le modèle. Avec son circuit électrifié, le système d’éclairage Race Of Lights, de Davide Groppi surprend une nouvelle fois, entre jeu et expérience ! A.S.


Talenti rentre à la maison

Depuis 20 ans, l’enseigne Talenti donne le pouls des tendances en matière d’outdoor. Historiquement spécialisée dans les meubles d’extérieur, elle dévoilait pour la première fois de multiples collections pour l’intérieur avec le label Talenti Home.

Lits, tables, chaises, fauteuils, bancs, canapés, le tout signé par le duo de designers Ludovica Serafini + Roberto Palomba, fidèle de la maison, qui voyait dans cette démarche « un geste naturel ».
Lits, tables, chaises, fauteuils, bancs, canapés, le tout signé par le duo de designers Ludovica Serafini + Roberto Palomba, fidèle de la maison, qui voyait dans cette démarche « un geste naturel ». DR

Lits, tables, chaises, fauteuils, bancs, canapés, le tout signé par le duo de designers Ludovica Serafini + Roberto Palomba, fidèle de la maison, qui voyait dans cette démarche « un geste naturel ». Certains des classiques de Talenti, initialement destinés à l’extérieur, ont été revus et corrigés pour s’adapter aux intérieurs de chacun. Les frontières entre le dehors et le dedans, une fois pour toutes dépassées. B.P.


Surréalisme domestique : installations oniriques pour nuits agitées

Bolzan présente sa tête de lit Colorblock Rosary imaginée par India Mahdavi, composée d’un panneau revêtu d’un velours conçu pour Pierre Frey et d’une série d’anneaux en céramique.

Studiopepe présente une installation onirique, « The Skin I Live In », avec le mobilier Saba, où tissu mural (broderies de l’illustratrice Clorophilla) et canapé Simposio partagent le même langage visuel.

La food designeuse Laila Gohar invite à s’emmitoufler dans sa ligne de linge de lit acidulé créé pour Marimekko. À l’occasion de son 90e anniversaire, Tréca présente des nouveautés aux lignes architecturales et raffinées, telle que cette tête de lit Gressey tapissée du tissu Cartoon signé Pierre Frey. A.S.


Appartement fever : quand le design prend ses quartiers chez l’habitant

« L’Apartamento by Artemest » rassemblait au Palazzo Donizetti le point de vue de six studios qui présentaient chacun un objet. De l’opulence sans excès de kitsch, avec omniprésence du style classique milanais, mêlant design et patrimoine. Dans la même veine Martina Mondadori (fondatrice du magazine Cabana) a ouvert toute la semaine, les portes de son appartement milanais de style maximaliste.

Chaque année, des designers aménagent le « Brera Apartment », dans le quartier latin de Milan. Le duo Zanellato/Bortotto y exposait « Orrizonti », leur vision de l’intérieur à travers le design et l’artisanat. Bref, un Salone dans un cinq pièces. À la « Casa Red Duo », Fabiola di Virgilio et Andrea Rosso, promouvaient la pertinence de l’artisanat dans les projets contemporains, leur nouveau home- studio en exemple, dans un bâtiment des années 1930 de Porta Romana.

Influences japonaises et seventies, carrelage d’origine, design contemporain, aménagement sur mesure et bastaPremière présence à Alcova, à Varedo, de la nouvelle maison Source Edition, fondée par Isabelle de Ponfilly et Joséphine Bursacchi. Mère et fille ont réédité du mobilier des arts décoratifs et du design 50-60 oublié, qu’elles ont intégré naturellement dans un salon de la Villa Borsani.

Dans le quartier de Brera, l’appartement Muuto acclimatait l’univers de l’éditeur de design danois au contexte ambiant, ses chaises en bois clair venues du froid réchauffant le carrelage milanais. L’appartement, thème récurrent des conversations, c’est aussi l’atelier- studio de la créatrice Osanna Visconti, recevant la présentation de la collection de tissus « Hémisphères » de Dimore Studio pour l’éditeur japonais Hoosoo. Un rêve déco mis en scène par les créateurs… dans un lieu déjà habité. G.-C.A.


Le bambou, matière d’expression

Les matériaux nécessaires à la fabrication de bagages se faisant rares au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Guccio Gucci a l’idée saugrenue d’utiliser du bambou pour confectionner l’anse d’un sac. Depuis son lancement en 1947, le Bamboo est un incontournable de la maison, au même titre que le bois du même nom qui lui inspire ceintures, bracelets et même porte-clés.

Pas étonnant que cette année, à Milan, Gucci ait transformé les cloîtres de la basilique de San Simpliciano en une bambouseraie ouvrant sur l’exposition « Bamboo Encounters », qui célèbre cette essence chérie à travers des œuvres d’artistes et de designers de tous horizons.

Le résultat, ce sont les paniers upcyclés tressés rehaussés de perles de verre de Dima Srouji, les tables basses en résine emprisonnant des cannes en suspension de Laurids Gallée, le mobilier empreinte en aluminium de Sisan Lee, ou encore une flopée de cerfs-volants à la croisée des époques (Kite Club). Un matériau qui a également inspiré à Michael Anastassiades l’échafaudage en lévitation sur lequel il dévoilait « Cygnet », sa nouvelle série de luminaires aériens en papier, témoins de son affection pour ces objets soufflés par le vent. M.V.