Tendances design 2026 : entre théâtre textile et chocs esthétiques

Les blasés n’ont qu’à bien se tenir : rarement le Salon de Milan aura été aussi stimulant. Bien plus qu’un simple rendez-vous de nouveautés, Il Salone, autant sur la foire qu’en ville, s’impose comme un véritable espace de réflexion culturelle. On y interroge l’art, l’économie ou encore les enjeux du développement durable. Et cela ne se limite pas aux talks à bord d’un train vintage en route vers le lac de Côme : la pensée s’invite partout, à chaque moment.

Entre installations spectaculaires, hommages rétrofuturistes, happenings culinaires et célébrations de la nature, la Milan Design Week 2025 a transformé la ville en un théâtre créatif à ciel ouvert. Sur les stands comme dans les palazzi, les marques rivalisent d’audace pour capter l’attention des visiteurs, bousculer les codes et susciter l’émerveillement. Matières détournées, collaborations inattendues, scénographies cinématographiques ou envolées seventies : plus qu’un simple salon, Il Salone est devenu un véritable laboratoire d’anticipation, où l’objet s’inscrit dans une culture vivante, sensorielle, parfois même déroutante. Aperçu des créations et courants qui définiront l’année 2026 dans l’univers du design.


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Crash

La maison italienne de marbre Margraf présentait pour la première fois à la Design Week de Milan une installation. Celle-ci était conçue par l’architecte et designer Hannes Peer qui mettait en scène cette roche de manière inattendue.

« Il a totalement repoussé les limites du marbre », s’enthousiasmait Roberto Xompero, le PDG de la marque. Traditionnellement représentée comme un modèle de stabilité, ladite roche venait ici percuter les murs, s’engouffrer dans les angles, se courber telle une feuille de papier ou se fracturer face à une vitre, brouillant les frontières de nos perceptions. B.P.


Esprit rétrofuturiste

La structure arrondie chromée fait de la console bar Esor de Maugoust Chenais un bijou intemporel. Source Édition révèle sa collection de rééditions des années 1950 à 1970. Les lampes Jumelles de Ben Swildens (1970) au style vintage sont adaptées aux exigences contemporaines. La Triennale de Milan inaugure « Voce », un espace hybride de 300 m2 dédié à la musique et aux arts visuels figurant dans ce vaisseau spatial imaginé par le studio AR.CH.IT. avec le designer Philippe Malouin.

Quant au studio No Ga, il dévoile une série de tables et de miroirs modulables en fibre de verre, en collaboration avec le directeur artistique Willo Perron : « J’aime l’idée qu’un meuble évolue avec quelqu’un au fil du temps », confie- t-il. Natalia Criado imagine avec la marque de mode Taller Marmo un set à cocktail au style résolument néo- art déco. Enfin, le duo Haddou-Dufourcq a imaginé « Cosmos », une collection de luminaires et mobiliers réalisée pour la Galerie Pouenat. A.S.


A tavola !

The way to a man’s heart is through his stomach (comprendre, « Le chemin vers le cœur d’un homme passe par son estomac »), paraît-il. Les marques ont bien compris l’adage, rivalisant d’inventivité pour séduire journalistes, acheteurs et visiteurs pressés au ventre vide. Ainsi, Bitossi relookait la trattoria Sugo de sa vaisselle bariolée, quand Cassina s’associait à Paolo Dalla Mora, fondateur des spiritueux Strucchi Vermouth and Bitter pour lancer un lieu éphémère où siroter un délicieux aperitivo.

Habits Design invitait une bande de happy few à un repas réalisé par les chefs du restaurant gastronomique Altatto afin d’éprouver « Light Bites », leur nouvelle vaisselle illuminée, censée revoir et corriger l’expérience du dîner. Sans parler d’Objects Are By, qui imaginait un Secret Cafe à carreaux rouges et blancs ultra-select; du cuisiniste Very Simple: Kitchen et de noo.ma, qui offraient, dans le restaurant Berberè aux tons pop, des parts de pizza à tour de bras.

Et du duo du studio Yellowdot, qui, grâce à son nouveau matériau confectionné à partir de coquilles d’œufs, s’accoquinait au restaurant Eggs Milano pour remettre les œufs coque sur les rails du design. De quoi ravir les yeux comme les papilles et imprimer les rétines. M.V.


Avant-garde

Pour fêter le 10e anniversaire de Nilufar Depot, sa créatrice Nina Yashar avait fait appel à Fosbury Architecture pour mettre en scène sa sélection. Intitulée « Silver Lining », l’installation rendait hommage au monde merveilleux du métal, tout comme aux seventies. Une immense structure accueillait les visiteurs au rez-de-chaussée.

Recouverte d’un miroir, à l’extérieur et au plafond, et d’une fourrure rose et framboise de Lanificio Becagli, au sol et sur les parois intérieures, elle accueillait pêle-mêle des pièces vintages des années 1970 signées Gio Ponti, Gabriella Crespi ou Nanda Vigo, et d’autres, faites sur mesure par Audrey Large ou Studioutte. B.P.


Comic strip

Il s’en passait des choses sur le stand rouge vermillon de Kartell. Non content de dévoiler en grande pompe sa réinterprétation de la Fiat Panda écarlate aux phares pixelisés, la griffe présentait aussi nombre de nouveautés.

La ligne d’étagères Lepid, imaginée par l’Espagnole Patricia Urquiola, aux bords contrastés façon bande dessinée, déclinées en noir et blanc, moutarde et crème ou encore coquille d’œuf et bordeaux.
La ligne d’étagères Lepid, imaginée par l’Espagnole Patricia Urquiola, aux bords contrastés façon bande dessinée, déclinées en noir et blanc, moutarde et crème ou encore coquille d’œuf et bordeaux. Simona Pesarini

Parmi elles, on note la suspension Aurora aux faux airs de ventouses, les tabourets totems Prince Ohoh de Philippe Starck et, surtout, la ligne d’étagères Lepid, imaginée par l’Espagnole Patricia Urquiola, aux bords contrastés façon bande dessinée, déclinées en noir et blanc, moutarde et crème ou encore coquille d’œuf et bordeaux. M.V.


Cinéma

Quand éditeurs et designers font leur cinéma, cela donne, chez Rimadesio, une mise en scène au style minimaliste typique des films des années 1990 et, chez Boon_Editions et le studio de luminaires A-n-d, une atmosphère digne de David Lynch.

Le réalisateur Stanley Kubrick aurait pu signer la captivante installation de Saint Laurent, qui rééditait quelques pièces de Charlotte Perriand, quand Dimore Studio imaginait pour Loro Piana « La Prima Notte di Quiete », une scénographie-spectacle présentée dans une ancienne salle obscure, entremêlant réel et fiction.
– A.S.


Une ode à la nature

L’orfèvre italien Buccellatti, réputé pour son bestiaire en argent, a commandé « Naturalia », une installation de Balich Wonder Studio honorant aussi l’artisanat. À la Galerie Nilufar Depot, le studio Gupica avait semé dans l’exposition « Repertorio », Floralia, sa lampe plante grimpante avec un abat-jour fleur.

Chez Dior, trois grands vases en verre soufflé de Sam Baron, ornés d’arceaux végétaux, rappelaient la nature sublimée.
Chez Dior, trois grands vases en verre soufflé de Sam Baron, ornés d’arceaux végétaux, rappelaient la nature sublimée. DR

Dans le quartier de Cinque Vie, à Milan, les designers grecs d’On Entropy présentaient des luminaires sculpturaux, des tapis, et leur table Holy en marbre jaune représentant un champignon. Côté outdoor, la borne d’éclairage Kinno du designer français Patrick Norguet pour Lodès, dévoilée au salon Euroluce, évoque, elle aussi, un champignon.

Au Teatro Gaber, l’installation « Staging Modernity » de Cassina, signée FormaFantasma, célébrait soixante ans de collection Le Corbusier, Jeanneret et Perriand, avec quatre icônes en bleu, rouge, ou vert et en velours. Sur le thème Ex Terra, à la Galerie Nilufar, les luminaires de branchage et de plumes du designer Maximilian Marchesani, entre fragilité et résistance.

Chez Dior, trois grands vases en verre soufflé de Sam Baron, ornés d’arceaux végétaux, rappelaient la nature sublimée. Sagarminaga Atelier a suspendu dans un palazzo oublié, son Tuna Ex Machina, grand thon rouge articulé, réalisé en fibres. Ce sont aussi des motifs de poisson que l’on retrouve dans les dessins de Fortunato Depero, reproduits par Louis Vuitton sur plusieurs supports. Une façon de faire entrer la nature dans la maison.
– G.-C.A.


Molteni en son palazzo

Il se dresse depuis la deuxième moitié du XIXe siècle à quelques centaines de mètres du Duomo et face au musée Poldi Pezzoli… Le palazzo du 9 de la via Manzoni abrite depuis cet hiver les collections de Molteni. L’un des plus célèbres éditeurs de la Brianza, qui produit le classique Gio Ponti comme le contemporain Vincent Van Duysen, a ainsi investi les six étages qu’il a transformés en showroom et bureaux.

On y navigue d’un salon donnant sur la rue principale à une chambre sur la cour intérieure en passant par une cuisine sculpturale. On y croise les iconiques de la marque aux côtés de nombreuses créations de Christophe Delcourt, nouveau venu chez Molteni, un lit signé GamFratesi qui nous tend les bras ou un fauteuil bas signé Vincent Van Duysen… L’architecte d’intérieur belge, qui est aussi le directeur artistique de la maison, signe l’aménagement de ce lieu signature, symbole de la puissance de cette vénérable nonagénaire.
– M.G.


Jonctions

Est-ce la fin des vis ? Chez Meridiani, la nouvelle table basse Frank, en chêne mat ou bois laqué d’Andrea Parisio se tenait juste sur ses pieds biseautés, sous un plateau soutenu par des tirants métalliques longitudinaux. Ses articulations apparaissant comme un motif soulignant le simple ajustement des pieds et du plateau de table.

Au Palazzo Bagatti Valsecchi, sur l’exposition « The Secret Soul of Useful Things » qui célébrait les dix ans de Marta Sala Editions, se répérait illico la bibliothèque en bois et marbre des architectes Herzog et de Meuron. Chez Visionnaire, l’architecte Stefano Maria Pozzi a présenté C-Square, une bibliothèque modulaire en bois et aluminium recyclable. Ses structures porteuses peuvent s’élever jusqu’à neuf mètres, le tout illuminé de l’intérieur, quand son assemblage repose sur un système plug & play. Et toujours pas de vis en vue.

Sur le salon officiel, le label de mobilier outdoor espagnol Gandia Blasco recevait dans une ambiance feutrée aux parois textiles à base de fibres recyclées, signée par le Japonais Kengo Kuma. Un matériau que l’on retrouvait dans Moya, sa chaise longue et son repose-pied en toile et assemblage de montants de bois. Knoll présentait, toujours à Rho Fiera, la ligne « Wood Collection » de Jonathan Muecke, où chaque élément de bois tenait sans clous.

Enfin, le duo de designers-chercheurs de FormaFantasma dévoilait chez Cassina la bibliothèque FF Spine, dont les étagères semblent suspendues au mur comme par enchantement.
– G.-C.A.


70’s

Au Palazzo Belgioioso, l’installation « Futurespective : Connected Worlds » de Range Rover, conçue par le bureau de design Nuova, faisait office de bulle spatiotemporelle retraçant l’évolution du design de la marque automobile de 1970 à 2025. Au menu : Range Rover vintage vert olive, table en marbre de Carrare blanc, canapé sang de bœuf, aquarium, musique, parfum d’ambiance et même, un comptoir de concessionnaire seventies.

Sur le grand stand de l’éditeur italien Minotti à Rho Fiera, lieu officiel du salon, les espaces de présentation s’inspiraient délibérément de l’architecture d’intérieur des années 1970. Les fauteuils Bézier arrondis, réunis en courbe, du designer et architecte brésilien Marcio Kogan, plantaient le décor lambrissé.

Quant au jeune studio Panter & Tourron, ils sont venus de Suisse pour scénariser le nouveau showroom, Via Borgogna, de Cappellini, en présentant des nouveautés, notamment les tables Millepiedi signées Dimore Studio ou les Mathare de Giacomo Moor, à côté d’icônes telles que le fauteuil lounge Embryo de Marc Newson.

Inspiration Flower Power pour la nouvelle collection de mobilier « Cromática » chez Roche Bobois, en collaboration avec le cinéaste espagnol Pedro Almodovar et l’actrice Rossy de Palma ; vaisselier, tapis Volver fleuri, tout s’imprime de couleurs saturées et de motifs accrocheurs, rappelant l’univers graphique et coloré de l’artiste espagnol. – G.-C.A.


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