En 2018, une dizaine d’étudiants de l’école Camondo, spécialisée dans l’architecture intérieure et le design, ont été invités à découvrir l’univers de la tapisserie à Aubusson, la capitale française. L’objectif était de faire germer dans leur esprit l’idée d’intégrer ce genre de créations lorsqu’ils aménageront des intérieurs. «Les décorateurs sont de plus en plus nombreux à mettre en scène nos tapisseries dans des intérieurs contemporains », raconte Amélie-Margot Chevalier, dont la galerie qui porte son nom collabore avec des créateurs d’aujourd’hui, tels qu’Aurélie Mathigot.
Parmi ces designers friands de s’emparer d’un savoir-faire traditionnellement réservé aux artistes, on peut citer Pierre Marie et sa tapisserie Ras-el Hanout, réalisée à la manufacture Robert Four, à Aubusson (23). « Les métiers de l’artisanat ont souffert du minimalisme des années 80 et 90. Aujourd’hui, je dirige ma curiosité vers le travail des artisans et m’emploie à intégrer dans ma pratique les contraintes inhérentes à leurs techniques », plaide-t-il.
Entre arts plastiques et arts décoratifs
La matérialité et la chaleur du tissage plaisent et s’inscrivent parfaitement dans le brouillage des frontières entre arts plastiques et arts décoratifs. Hella Jongerius a ainsi obtenu la confiance de Lafayette Anticipations : elle fut, l’été dernier, la première designer à investir les espaces de cette fondation – qui fédère des actions de soutien à la création contemporaine à travers des résidences et des expositions – avec d’immenses tapisseries en 2D et 3D, qu’elle réalise également pour la Galerie Kreo depuis quelques années. À la Fondation Louis Vuitton, c’est une tapisserie réalisée au Japon par Charlotte Perriand qui trône en majesté au milieu de l’exposition qui lui est consacrée.
Narratif, ce travail est aussi défendu en ce moment au Signe, le Centre national du graphisme, à Chaumont (52), qui propose une exposition consacrée au design et au textile à travers l’œuvre de Wendy Andreu, la créatrice ayant réalisé pour l’occasion une série de visages tissés. Mais, malgré la porosité des univers, les designers ne perdent pas de vue leur vocation première. Ainsi, il y a quatre ans, Isabelle Daëron a imaginé Topique-lumière, une tapisserie représentant un paysage et équipée d’un éclairage… fonctionnant à l’énergie solaire : poétique et utile à la fois.
La Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson ne s’y est pas trompée et commande, depuis une dizaine d’années, des « œuvres » aussi bien à des artistes qu’à des designers… Elle s’est associée à la galerie Ymer & Malta qui, en collaboration avec des lissiers d’Aubusson, a réalisé avec Benjamin Graindorge, Ferréol Babin et quelques autres, une série de tapisseries qui seront dévoilées au cours des prochains mois. Sans doute l’un des projets les plus excitants de l’année 2020 !