En juin dernier, l’école supérieure de la mode Esmod-Isem organisait son premier défilé dans ses nouveaux locaux de Pantin, en Seine-Saint-Denis, une succursale de la Banque de France datant du XIXe siècle et fermée depuis 2010. Les travaux de rénovation avaient été confiés à l’architecte Michel Naeye. Son principal défi, outre préserver la façade, la salle des coffres et l’atrium, était de créer des salles de cours pour les 450 élèves. « Nous avons empiété sur l’ancien comptoir clients et créé des salles en sous-sol en faisant venir de la lumière grâce à une cour anglaise creusée autour du bâtiment, explique Leslie Teboul, directrice de l’école. Nous cherchions un lieu avec une histoire non loin d’un écosystème économique et créatif dynamique. Pantin, avec ses maisons de luxe implantées depuis des décennies et son offre culturelle diversifiée, répondait parfaitement à cette attente. »
Ce n’est là que le plus récent exemple de réhabilitation du patrimoine industriel de cette commune de la banlieue nord-est de Paris. Flash-back. Le paisible village maraîcher des années 1800 se transforme rapidement en cité ouvrière avec l’ouverture du canal de l’Ourcq, entreprise en 1802, et celle de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg, en 1849. L’existence de ces voies de communication et la proximité de la capitale ainsi que des abattoirs de la Villette attirent les textiles Cartier-Bresson, le fabricant de wagons et voitures ferroviaires Desouches, la minoterie des Grands Moulins, Félix Potin, les outillages Astra, les cosmétiques Bourjois (dont les locaux sont désormais occupés par Chanel), la Manufacture des tabacs (Seita), Motobécane… pour ne citer que les plus connus. En 1880, Pantin compte 51 manufactures de plus de 50 salariés. Se greffent autour de ces grandes enseignes des centaines de petits ateliers de sous-traitance.
A la recherche de l’idéal
Un siècle plus tard, c’est la débâcle. Entre 1980 et 2000, plus de 30 entreprises quittent Pantin, laissant en friche plus d’un million de mètres carrés et des dizaines de bâtiments remarquables. Mais aussi un vaste champ des possibles… Artistes, designers et institutions culturelles, à la recherche de leur lieu idéal, investissent alors ferblanteries, briqueteries, chaudronneries et fonderies tout en profitant de l’écosystème créé par la Maison Revel, ancien hôtel particulier servant de résidence au directeur des vernis Revel, rénové en 2008 pour héberger le Pôle des métiers d’art. Hermès s’installe en 1993 et ne cesse de s’agrandir.
Pour Bernhardt Eichner, directeur général d’Hermès Services Groupe, « la construction de la Cité des métiers (pour le compte de la maison de luxe, NDLR), inaugurée en 2013, a participé au développement de la place Olympe-de-Gouges, où se tient le marché. Il s’agissait d’intégrer un important programme d’activités en centre-ville et de l’inscrire dans une chronique architecturale. Les bâtiments, réalisés par l’agence RDAI Architecture, sont sobres, parfois massifs, souvent monochromes. Chacun se fond dans les tonalités du quartier avec ses façades de briques gris rosé, brunes ou blanches, percées de hautes fenêtres verticales et couvertes d’un grand toit de zinc à facettes. L’idée était de transgresser les codes traditionnels des banlieues, de les réinterpréter pour qu’ils créent un lien subtil entre un territoire patrimonial et une architecture contemporaine. »
En 2015, Saint-Gobain installe ses enseignes du bâtiment dans une ancienne halle de marchandises achevée en 1949 par l’ingénieur Bernard Lafaille et transformée par l’architecte Norbert Brail et le bureau d’études Becice : 35 000 m² protégés par une voûte de béton épaisse de 7 cm sous-tendue par des tirants en béton précontraint. « Il n’est pas question de tout préserver, précise Bertrand Kern, maire de la ville depuis 2001, mais, dans la mesure du possible, d’inciter les promoteurs et les entreprises à respecter les éléments architecturaux des bâtiments existants. »