Impossible de rater leurs devantures, qui essaiment partout en ville. Certes, aucune de ces adresses ne partage exactement le même look, mais difficile de nier qu’un ADN commun les rassemble. Avec leurs environnements lumineux, apprêtés, voire léchés, un même sens du détail et du goût, une idée générale du coffee shop se dessine.
À lire aussi : Cafés d’antan, merch d’aujourd’hui : la revanche stylée du PMU de quartier
Coffee shops, what else ?
Pour les distinguer de nos cafés historiques, on a coutume de les désigner par leur dénomination anglaise. Ça tombe bien, puisqu’ils puiseraient leurs codes dans le monde anglo-saxon, Sydney et Melbourne en tête. « Andrea a découvert sa passion pour le café lors d’un voyage en Australie, raconte Bérénice Talarmin, cofondatrice de Magma, un coffee shop lyonnais. Lors de notre voyage en Asie, nous avons eu un véritable déclic pour ouvrir notre lieu. »

Pour la décoration, ils mixent leurs inspirations “méditerranéennes, japonaises et scandinaves”. C’est un fait, le style de ces établissements est universel et uniformisé par des plateformes comme Pinterest, à l’image des appartements Airbnb. De Shanghai à New York, on y trouve du béton, du bois, de l’Inox et du mobilier conçu sur mesure. L’ouvrage Designing Coffee, de Lani Kingston (éditions Gestalten), paru en 2023, qui compile 59 adresses autour du monde, en est un parfait exemple.
Se développant un peu partout (Mexico, Budapest, Hong Kong, Riad ou Saigon), la marque % Arabica s’est implantée en France, à Paris. Fondée en 2013 à Kyoto par Kenneth Shoji, elle mise sur son design pour rayonner: « Nous collaborons avec différents architectes selon les villes. Mais tous reçoivent le même cahier des charges: minimalisme, grâce à des tons neutres; intemporalité, avec du bois ou du béton; fonctionnalité, en permettant aux clients de pouvoir observer la préparation de leur breuvage. »

Même système chez Noir, qui compte déjà dix-sept pas-de-porte rien qu’à Paris, six autres à venir, toujours dans la capitale, et un à Londres. « Notre ligne directrice englobe des couleurs pastel et une forme de dépouillement », concède l’entrepreneur et dirigeant Martin Gunther. Pour autant, il souhaite « casser l’aspect “chaîne” » en confiant les travaux à différentes agences d’architecture.
Le café à l’ère du cool
Pour Paul-Henry Bizon, journaliste et écrivain ayant participé au débat « Bar PMU, coffee shop, café-boulangerie: la bataille du café est déclarée », organisé par le lieu de vie parisien Ground Control, qui questionne nos habitudes de consommation, les coffee shops « correspondent plus au goût de l’époque, et notamment des jeunes, avec une offre plus sophistiquée et plus instagrammable ». Il ajoute que ces lieux sont « plus calmes, mieux tenus, et, par conséquent, vendent des produits de meilleure qualité mais aussi plus chers ».

« Je pense que nous apportons une ambiance chaleureuse et cocooning, abonde Bérénice Talarmin, fondatrice du coffee shop Magma. La différence fondamentale avec les cafés ou les bars, c’est que nous ne proposons pas d’alcool, et cela modifie radicalement l’atmosphère, créant un cadre plus détendu. »
Il y a dix ans, les premiers lieux de ce type voyaient le jour dans une ambiance inspirée par Brooklyn et ses murs défraîchis, à la limite de l’effritement. Force est de constater qu’aujourd’hui les projets sont pensés jusqu’au bout des plinthes, et que rien n’est laissé au hasard. Au risque de lasser ? « Ils ne demandent pas de gros investissements, explique Paul Henry Bizon, puisqu’ils ne nécessitent pas d’acheter un fonds de commerce, contrairement aux bars-tabacs, qui, eux, valent beaucoup d’argent. »

L’occasion pour les jeunes, qui souhaitent avant tout promouvoir un bon café, de se lancer dans cette activité. Car, ne l’oublions pas, de Stumptown, aux États-Unis, premier café-torréfacteur au début du millénaire, à Deep, ouvert à Marseille en 2018, l’accent a toujours été mis sur la qualité et la dégustation.
À l’opposé de ce style minimaliste, les architectes Benoît Huen et Lucie Rosenblatt, de l’agence d’architecture intérieure Mur.Mur, conçoivent majoritairement des espaces de restauration. Pour Kapé et Simple Coffee, les briefs évoquaient la volonté de construire des « lieux intimistes ». « Les échelles sont souvent plus réduites dans ce type de projets, considèrent-ils, plus propices aux expérimentations. »

Pour Simple Coffee, ils ont par exemple imaginé un design 100 % Inox, afin de rappeler les cuisines professionnelles, avec des alcôves pour que chacun puisse se retirer tout en regardant la rue. Enfin un peu de révolution au pays des coffe shops. What else ?
À lire aussi : Objet design non identifié : le café du cinéma Gaoxingli Insun