De la mer Tyrrhénienne aux montagnes de l’Alta Rocca, la Corse dévoile une nouvelle génération d’hôtels où architecture, design et art de vivre s’accordent avec l’âme de l’île. Entre authenticité et modernité, ces adresses singulières revisitent le charme insulaire à travers des univers contrastés : minimalisme contemporain, inspirations méditerranéennes ou atmosphères rurales réinventées. Du littoral de Lecci à Zonza, en passant par Cargèse, Sartène et Saint-Florent, chacun de ces lieux offre une expérience, entre nature et raffinement discret.
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1 – L’hôtel Son de Mar à Lecci
Dans le sud de la Corse, Porto-Vecchio se dresse depuis près de quatre millénaires au fond d’un golfe rocheux protégé de la mer Tyrrhénienne. De là, les amateurs de plages – dont ne dispose pas à proprement parler la ville portuaire – ont plusieurs options, parmi lesquelles se rendre à celle de Saint-Cyprien. À partir des années 1970, ce hameau s’est constitué au gré de résidences le long d’une magnifique baie sablonneuse.

Étonnamment, aucun hôtel n’avait jamais été projeté dans le centre de ce qui est aujourd’hui un véritable village avec commerces et restaurants. Le Son de Mar vient donc à point nommé combler un manque pour ceux qui souhaitent se libérer des tâches quotidiennes d’une location. Sur un terrain situé à deux pas de la plage, la famille Coll – jusqu’alors dans la construction – a fait édifier un bâtiment de deux étages qui vient s’inscrire dans le panorama stylistique du bourg.
Si l’architecture s’aligne sur la volumétrie environnante, elle tranche par son traitement minimal des espaces intérieurs et son design contemporain. Le lobby donne ainsi le ton avec cette « installation » mobilière composée d’un canapé Osaka et de poufs Mushroom signés Pierre Paulin. Dans les étages, les parois et les plafonds des 30 chambres, dont la moitié dispose d’une large terrasse, ont été laissés en béton brut.
Pour contrebalancer cette présence minérale, les aménagements modulaires (penderies, salles de bains…) ont été réalisés en bois naturel, en s’appuyant notamment sur des combinaisons d’arches, tandis que le mobilier a été sourcé dans le catalogue de la marque Audo. Cette touche de design nordique apporte ainsi du contraste à ces espaces au parti pris radical et pour le moins unique dans le périmètre. On retrouvera également quelques références de l’enseigne danoise ainsi que de la marque Sancal dans l’agencement du restaurant.

Un peu à la manière d’un boutique-hôtel, celui-ci s’ouvre totalement sur la rue, en passant par une terrasse ombragée où l’on peut profiter d’un bar à vins. Au niveau inférieur du bâtiment, les amateurs de bien-être ont accès à un spa signé Codage et pourvu d’un généreux bassin qui n’est pas sans évoquer celui de thermes méditerranéens. Enfin, dernier détail, l’hôtel dispose d’une signature olfactive – à base de sève de pin – que le studio berlinois AOIRO a imaginée « telle une empreinte sensorielle dans la mémoire des hôtes ». O.R.
> 5, corsu Casabianca, San Ciprianu, 20137 Lecci. À partir de 185 € la nuitée. Sondemar.fr
2 – L’hôtel Basgi Basgi à Saint-Florent
Basgi, littéralement « bisous » en Corse, est aussi un témoignage d’affection avec, en filigrane, la promesse de retrouvailles. Elle résume tout l’esprit de Basgi Basgi, inauguré l’été dernier tout près de Saint-Florent et des plus belles plages de Haute-Corse : un boutique-hôtel pensé comme une maison de famille, vivante, chaleureuse, où l’on revient tous les ans, tel un rituel.

Missionnée pour ce 4-étoiles de 28 clés et un restaurant méditerranéen, l’architecte bastiaise Marie Tomasini a réhabilité une cave en pierres calcaires, utilisée jusqu’en 1970 pour stocker du vin, complétée par une extension. Installée en Corse elle aussi, après avoir travaillé aux côtés d’Elliott Barnes et de Tristan Auer, la décoratrice Léa Ueshima a imaginé toute la scénographie.
« Une combinaison de matériaux simples (bois, jonc de mer, raphia, céramique…) et d’un design osé. La plupart des hôtels de la région sont des institutions, assez classiques. Basgi Basgi est donc nouveau par son format, son twist contemporain, et original parce qu’il laisse transparaître, par des clins d’œil, la personnalité solaire des propriétaires, leur attachement aux Antilles où ils ont vécu, et à la Corse. Nous avons choisi différentes teintes de jaune avec, par exemple, sur le sol des chambres, des rayures en dégradé comme les rayons du soleil. Des bâtisses traditionnelles de la région, on retrouve le travertin, une référence aux lits à baldaquin avec les têtes de lit en bois tourné, les plinthes en bois, mais qui sont ici dessinées en zigzag. »

Une idée de Yohan Pedre, de Knoho Studio, qui a su apporter une subtile touche de fantaisie au projet avec une direction artistique « brute, mais forte visuellement », selon Léa Ueshima, entre style Memphis et abstraction organique. Elle se décline surtout dans les espaces communs, en particulier le bar, et jusqu’au fond de la piscine centrale, couvert de motifs graphiques. C.B.
> Lieu-dit Tettola, 20217 Saint-Florent. À partir de 110 € la nuitée. Hotelbasgi.com
3 – L’hôtel Mylos à Cargèse
Deux églises en surplomb de la Méditerranée, des ruelles piétonnes en pente raide, des jardins fleuris, un petit port… Le village de Cargèse pourrait se situer sur une île des Cyclades, mais il est bien sur la côte ouest de la Corse, entre Ajaccio et Calvi. L’explication : à la fin du XVIIᵉ siècle, des familles grecques fuyant la domination ottomane y ont trouvé refuge. Exactement là où l’agence Orma Architettura vient de finaliser Mylos, un hôtel dont le nom, « moulin » en grec, fait référence à celui en ruines tout proche.

Imitant les maisons les plus anciennes du village, les architectes ont posé les différents bâtiments à flanc de colline, en utilisant les terres excavées du site, puis ont couvert les toits de végétation. Impliquée très en amont dans le projet, Dorothée Meilichzon a de son côté conçu les décors et le mobilier sur mesure. « Comme toujours, nous sommes partis du contexte. Il fallait renouer avec l’histoire du village et l’identité corse, explique l’architecte d’intérieur qui connaissait déjà l’île de Beauté, et Cargèse en particulier. En référence à la Grèce, nous avons dessiné des colonnades, des tables à oreilles en forme d’amphore. Nous avons aussi fait des clins d’œil aux bergers corses, à leur chapeau, au noir, à la laine. »
Dans les 34 chambres, les murs texturés, les alcôves, les couleurs, notamment l’orangé des tuiles couvrant les maisons alentour, réchauffent l’atmosphère. Les salles de bains, elles, sont habillées de marbre vert et de frises évoquant les vagues.

Au restaurant, la chaux écrue met en valeur les cloisons organiques dans lesquelles Dorothée Meilichzon a glissé des inserts de verre coloré. Partout, les fenêtres et les terrasses s’ouvrent en grand sur le panorama. « Mylos est un hôtel très minéral, enfoui dans le maquis, résume l’architecte d’intérieur. Mais nous avons la chance qu’il soit haut perché, offrant ainsi des vues à couper le souffle sur la mer… » C.B.
> Chemin de Paomia Montalbo, 20130 Cargèse. À partir de 150 € la nuitée. Mylos-hotel.com
4 – L’hôtel A Mandria di Murtoli à Sartène
Lorsque Paul Canarelli, propriétaire du Domaine de Murtoli, icône de l’hôtellerie corse, découvre une propriété agricole à rénover dans la vallée de l’Ortolo, à trois kilomètres de son 5-étoiles, il envisage d’abord de la convertir en logement pour ses employés. C’est son fils Paul, ébloui par la beauté du site, qui lui glisse à l’oreille l’idée d’en faire un hôtel. Banco ! Ainsi naît A Mandria di Murtoli, « mandria » désignant, en corse, les lieux de stabulation où le bétail séjourne en extérieur.

D’emblée, Paul Canarelli imagine ce projet « dans le même registre confidentiel et avec un même esprit agricole que pour Murtoli, mais avec une touche nouvelle, éclatante, pétillante, celle d’une adresse résolument estivale ». Pour le distinguer de son grand frère, il mise sur la proximité avec la Sardaigne en particulier, et l’Italie en général. Côté décoration, tout a été fabriqué sur mesure et à la main par les meilleurs artisans sardes : faïence, céramiques, rideaux, tapis, tables et comptoir en lave émaillée…
Le restaurant est dirigé par un chef originaire de la ville thermale de Fiuggi, à l’est de Rome, le menu et la carte des vins sont italiens et nombre de produits proviennent de Sardaigne. À l’exception notable de l’huile d’olive, produite sur place et qui, dès 2026, sera étiquetée A Mandria di Murtoli.

Sur ce domaine de deux hectares, une bâtisse principale, une grange et une bergerie abritent dix chambres et suites, dont trois avec leur piscine. Clementina, Limone, Pera… Toutes portent le nom corse d’un fruit. Certaines, voûtées, possèdent un plafond en briques et en pierres d’origine, d’autres des poutres apparentes. Elles entourent une piscine de 20 mètres de long et un jardin parsemé de citronniers et d’oliviers, d’immortelles et de lavande… « Dans ce hameau, tout est regroupé, mais chacun a son intimité », promet Paul Canarelli. C.B.
> Vallée de l’Ortolo, 20100 Sartène. À partir de 240 € la nuitée. Amandriadimurtoli.com
5 – Le domaine Le Mouflon d’Or à Zonza
À rebours de la Corse des plages, ce Mouflon d’Or évolue en plein Alta Rocca, dans les montagnes du Sud, à proximité du petit village de Zonza (à prononcer, comme les locaux, sans le « a »). Ancien hôtel créé dans les années 1920 à l’esthétique austère mais majestueuse, il a été racheté en 2003 par le couple Lise Canarelli et Anthony Bornéa.

Férue de chine et de vintage, elle stockait depuis huit ans des meubles en bois foncé, armoires normandes, peintures anciennes, coffres de marins et autres lustres de Murano avec une vision claire de ce qu’elle souhaitait créer. « J’ai dû vivre dans un monastère dans une autre vie », sourit celle qui a été élevée par des parents hôteliers, repreneurs en 1979 du mythique Cala Rossa.
Retour à Mouflon où, après six années de travaux qui ont nécessité de retirer le toit, de recréer un quatrième étage respectueux du plan d’origine et de creuser le sol pour y intégrer un nouveau bâtiment invisible depuis la terrasse principale, l’équipe de l’établissement rêve de faire croire que les portes viennent juste de rouvrir. « J’aime que les clients pensent qu’on a seulement passé un coup de balai et refait la peinture », dit Lise Canarelli. Et c’est le cas.
Les chambres brillent par leur simplicité et leur authenticité : murs immaculés et décorés de quelques lithographies du XXe siècle qui contrebalancent des têtes de lit en bois travaillé (provenant pour la plupart d’anciens lits à baldaquin), chaises tapissées, lustres à pampilles et miroirs dorés. L’équation entre ancien et moderne se tient sur le fil de l’élégance.

Même quelques semaines après l’ouverture, le lieu semble déjà avoir connu mille vies. Les tilleuls et les cèdres du Liban centenaires, qui entourent le domaine, n’y sont pas pour rien. À l’écart, la piscine et son bar sont entourés de verdure et deux suites aux beaux volumes se logent dans des bergeries. D’autres arriveront au cours des ans, au même titre qu’un second restaurant près de la piscine et d’un spa de 1 200 m² de la marque de soins issus du maquis Nucca, création des propriétaires de l’hôtel et disponible dans les 22 chambres. B.P.
> Pian Di Santo, 20124 Zonza. À partir de 320 € la nuitée. Lemouflondor.com
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