Se nourrir de la beauté d’une œuvre, prendre le temps d’entrer dans l’univers d’un artiste, s’arrêter sur un détail, être ému par une courbe, une phrase… Pour retrouver le plaisir d’un musée – quasi vide en prime –, rendez-vous à Bruxelles. Dans le capitale belge, le CIVA, un centre d’art dédié à l’architecture, à l’urbanisme et au paysage, nous plonge dans l’histoire de Superstudio.
Méconnu du grand public, ce mouvement architectural fut de ceux qui engagèrent l’Italie vers la modernité. Loin d’une pensée figée, ce groupe d’architectes a constamment évolué selon une trajectoire empreinte de leurs expériences et de leurs points de vue divers, dans une période qui elle-même incitait au mouvement perpétuel. Très critiques au début de leur aventure, ses membres ont progressivement introduit de plus en plus de poésie dans leur œuvre, par exemple avec les lampes Passiflora, à voir dans la salle 2.
Superstudio, une vision universelle de l’architecture
Baptisté « Migrazioni », l’accrochage bruxellois reflète combien Superstudio s’est inscrit dans la pop-culture du XXe siècle. Le mouvement naît en effet quand de jeunes étudiants en architecture se rencontrent à Florence en 1963 et décident d’imprégner cette discipline alors ultra conservatrice du bouillonnement culturel des swinging sixties : musique, littérature… Superstudio se nourrit aussi de son intérêt pour les cultures extra-occidentales afin de livrer une vision universelle de l’architecture.
C’est cette globalisation que Superstudio va synthétiser dans ses projets d’architecture de villas et de boîtes de nuit dès 1968. Mais ce qui fera connaître Superstudio du grand public, ce sont surtout les photomontages dont la force plastique quasi-publicitaire saute aux yeux dans les œuvres originales exposées ici, comme des témoins lucides de cette époque. Ces ancêtres de Photoshop ont su jouer avec les images et on peut enfin approcher de près cette production iconographique sur les cimaises du CIVA.
Misura, un motif rentré dans l’histoire du design
On retrouve sur ces montages le motif de grille infinie, qui vient souligner une série de paysages archétypaux. Plus tard, au tournant des années 70, Superstudio mettra au point la collection de mobilier « Misura », ultra rationnelle, exposée dans le hall du musée et dans la salle « Sistema di flusso », sous forme d’un paysage graphique composé d’une série d’assises et tables entrées dans l’histoire du design reprenant ce motif.
Alors que l’on reproche souvent aux expositions de design de ne jamais permettre aux visiteurs d’expérimenter les pièces exposées, à l’étage, le musée a eu l’idée géniale de proposer un salon composé de la collection « Sofo » dessinée par Superstudio. Initialement éditée par Poltronova et aujourd’hui rééditée, on peut s’y asseoir, se reposer et digérer cette riche exposition.
Thématique et chronologique, l’accrochage proposé par la jeune commissaire Emmanuelle Chiappone-Piriou avec le spécialiste Cédric Libert exhume ses pièces des très riches archives du centre Pompidou, et montre avec finesse les ambiguïtés de ce groupe dont on ne sait trop s’il critique ou accompagne son époque. Les curateurs ont aussi réussi à combiner les aspects théoriques, conceptuels, avec des œuvres construites de ce groupe qui influencera notamment des pointures comme Bernard Tschumi ou Rem Koolhaas…
> Migrazioni. Jusqu’au 16 mai au CIVA. 55, rue de l’Ermitage, 1050 Brussels. Tél. : +32 2 642 24 50. Catalogue, 40 €.
> Et pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’à Bruxelles, le Civa a concocté une vidéo très complète :