En 1977, le monde entier découvre l’acteur John Travolta se déhanchant sur le dancefloor au son des Bee Gees dans le film Saturday Night Fever. L’année suivante, le chanteur Patrick Hernandez, qui cartonne avec son tube Born to be Alive, ignore encore que l’une de ses trois choristes est la future… Madonna. L’exposition « Disco: I’m Coming Out » de la Philharmonie de Paris (XIXe ) est avant tout un lieu de souvenir qui, plutôt que de jouer la carte de la nostalgie, rappelle qu’avant de devenir un mouvement de la pop culture mondiale, le disco était l’enfant des luttes que menaient les minorités au sein de la société américaine : Afro-Américains, Hispaniques, femmes et gays.
À lire aussi : Exposition : Christofle, l’odyssée argentée, au MAD Paris
Le sens de la fête
Les designers Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, auteurs de la scénographie, ont su saisir cette nuance et éviter les clichés. Tous deux rappellent comment, au fil des discussions avec les commissaires de l’exposition, Jean-Yves Leloup et Marion Challier, conseillés par le journaliste Patrick Thévenin, la question de l’ancrage de ce courant musical dans la culture noire américaine était centrale, dans la droite lignée de la soul, du gospel et du funk.

Pour Stéphane Villard, d’ailleurs, « le mot “disco” évoque la fête, la danse et les paillettes. C’est I Feel Love, de Donna Summer, ex-chanteuse de… gospel. Quant au légendaire I Will Survive, de Gloria Gaynor, qu’on entend dans les mariages, c’est le cri d’une femme battue par un mari alcoolique qui parle de briser ses chaînes ».
Le sous-titre de l’exposition, « I’m Coming Out », quant à lui, évoque une chanson de l’album Diana (1980) de la célèbre Diana Ross, vendu à plus de 10 millions d’exemplaires, signé Nile Rodgers et Bernard Edwards, du groupe Chic. Nile Rodgers a récemment confié qu’elle leur avait été inspirée par les drag-queens d’un club new-yorkais habillées en… Diana Ross.

Mais il s’agit surtout d’un titre à double sens, à destination de la communauté gay – le coming out ne désignant pas ici le fait de sortir danser mais celui de révéler (et surtout de revendiquer) son homosexualité. Deux ans avant, le tube YMCA, du groupe Village People, lui aussi plein de sous-entendus évoquant la drague homosexuelle, remporte un succès phénoménal.
Une scénographie engagée
Pour donner un cadre à ces questions sociétales, « il ne fallait pas être dans le pastiche consistant à reproduire une vraie boîte de nuit, alors que justement l’espace clos de la Philharmonie de Paris pouvait parfaitement s’y prêter ».

L’exposition, accompagnée d’une bande-son mixée par Dimitri from Paris, qui varie en intensité au fil des thèmes traversés, insiste d’abord sur l’esthétique que le disco a suscitée auprès des artistes et des designers. Objets, archives audiovisuelles – Chic, Sylvester, Giorgio Moroder, Cerrone… –, photos exceptionnelles et vêtements se découvrent dans une suite de petites maisons, en hommage aux houses du New York de la fin des années 1970.
Fatiguée d’être exclue des spectacles drag (« transformistes ») réservés aux Blancs, la communauté LGBTQIA+ afro et latino-américaine commence à organiser ses propres ballrooms (« bals ») intégrant les personnes lesbiennes, gays et transgenres. Elle y organise des concours de drag sous la tutelle d’une équipe (house en anglais) – une véritable famille alternative où des jeunes, rejetés par leur propre famille en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, peuvent trouver refuge.

Dans le but d’accueillir des spectacles de Voguing, une grande piste de danse a par ailleurs été installée. Cette chorégraphie, qui est également née dans les ballrooms américains de New York – démocratisée par Madonna avec son titre Vogue en 1990 – consiste à imiter les poses des mannequins lors des défilés de mode.
Dans cette scénographie, le travail de la lumière a été prépondérant car, comme le souligne Stéphane Villard, elle est essentielle dans « La fabrique de l’illusion » – par ailleurs le titre de l’une des sections de l’exposition – propre à ce mouvement musical. Pourtant, c’est bien de façon réelle que le dancefloor disco s’est révélé une véritable plateforme de diversités. Mixant, même pour un soir, toutes les différences.
> « Disco: I’m Coming Out ». À la Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris, du 14 février au 17 août 2025. Philharmoniedeparis.fr
À lire aussi : Le MAMC+ ouvre ses portes avec quatre expositions inaugurales