Ces dernières années, la capitale suédoise était un peu éclipsée par Copenhague. Mais un vent nouveau flotte aujourd’hui sur la ville. Avec deux luxes ultimes : la nature, omniprésente, et nos adresses, à l’excitant parfum d’initiés.
La nature comme luxe quotidien à Stockholm
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Stockholm, c’est d’abord un luxe démocratique. Celui de la connexion quotidienne avec la nature. La ville étant construite sur quatorze îles, l’eau y est omniprésente. Au printemps, les nombreux parcs croulent sous les lilas et l’archipel, un éventail de 30 000 îlots éparpillés sur la mer Baltique, est accessible en transports en commun en une demi-heure. Une politique née au temps de l’Allemansrätten, droit ancestral chéri par les Suédois, qui permet à tout un chacun d’accéder librement à la nature.
        « En partant de notre studio, il faut compter cinq minutes à vélo pour aller se baigner presque tous les jours de juin à septembre », raconte la designeuse Emma Marga Blanche, cofondatrice avec Fredrik Färg du studio Färg & Blanche en 2010, dans le quartier de Södermalm. «Et en hiver, nous prenons parfois les skis de fond pour aller travailler !», poursuit Fredrik. Séjourner à l’Hôtel Skeppsholmen sur l’île du même nom fait partie de ces expériences rares qui permettent d’infuser le voyage urbain dans la nature.
«Un lieu de villégiature en plein cœur de la ville», abonde Joachim Olausson, directeur passionné de cet établissement qui occupe deux anciens baraquements royaux réaménagés par le trio d’architectes Claesson Koivisto Rune. Un havre de design scandinave et de raffinement nordique, épuré et chaleureux. Les musées Moderna (art moderne) et ArkDes (architecture) sont juste en face. Après avoir englouti un kardemummabullar (une petite brioche à la cardamome), il suffit d’embarquer dans un ferry pour rallier une autre île de musées, Djurgården.
        Du ponton émerge la silhouette de la galerie d’art Liljevalchs+, un bunker en béton gris ponctué de 6 860 briques de verre rondes créées par l’artiste Ingegerd Råman. Un geste architectural signé Gert Wingårdh, à qui l’on doit aussi le Sven-Harrys Konstmuseum.
Une scène design en pleine effervescence
«Pour moi, ce qui définit Stockholm, c’est l’énergie de sa communauté créative», analyse Hanna Nova Beatrice, ancienne directrice de la Stockholm Furniture Fair et rédactrice en chef du magazine The New Era. Elle est depuis un an la directrice créative de Nordiska Galleriet et de sa collection en propre, NO GA. Le showroom, qui commercialise le meilleur du design contemporain scandinave et international, vient ainsi d’éditer le mobilier modulaire et les miroirs de l’architecte canadien basé à Los Angeles, Willo Perron, les chaises et les tables du studio milanais NM3 et la lampe 53, d’Axel Wannberg.
        «Il y a dix-huit ans, Stockholm me faisait l’effet d’un grand village, mais en ébullition. Il était si facile de se déplacer à pied et de côtoyer des gens d’horizons complètement différents : design, industrie, décoration intérieure, mode, musique.», confie Emma Blanche. La scène créative a pris de l’ampleur, mais cette dimension, qui lui permet justement d’exister, de croître et de favoriser les croisements d’univers est toujours d’actualité.
All Blues (une jeune marque de bijoux et d’accessoires pour la maison créée par Jacob Skragge) s’inscrit parfaitement dans cette évolution. Elle aime donner rendez-vous dans cette institution qu’est le bar du restaurant KB Konstnärsbaren (littéralement « le bar des artistes »). On y déguste d’excellents classiques de la cuisine suédoise servis dans un fascinant décor des années 1930. Non loin de là, l’hôtel Hobo a été aménagé par le designer Werner Aisslinger dans un vaste immeuble brutaliste de la place Brunkebergstorg.
        Au sein du quartier chic d’Östermalm, on navigue entre adresses historiques et nouvelles ouvertures excitantes — une dynamique qui définit parfaitement ce qu’est Stockholm aujourd’hui. Parmi les incontournables, il y a évidemment Svenskt Tenn, la seule boutique de la marque de décoration intérieure fondée par Estrid Ericson en 1924. On rêverait de s’y laisser enfermer au milieu des imprimés iconiques de Josef Frank.
En face du marché couvert, la galerie d’art contemporain Public Service Gallery a investi les locaux d’une ancienne banque, tandis que la brasserie Astoria, dernier établissement du chef étoilé Björn Frantzén, a pris ses marques en 2021 dans un ancien cinéma datant de 1870. La carte fusionne gastronomie et glamour : crudo de flétan au caviar et pizza aux œufs de corégone blanc (un poisson d’eau douce nordique) zébrée de crème de citron. À Östermalm toujours, la Brasserie Godot propose d’impeccables cocktails et une cuisine francophile parfaitement maîtrisée.
Södermalm, le quartier qui incarne le nouveau chic suédois
Au sud de Gamla Stan, la vieille ville, Södermalm est le Brooklyn de Stockholm. C’est là que vivent la plupart des créatifs. Comme le designer Fredrik Paulsen, qui a dessiné une des chaises best-sellers de Vaarnii, la 001, ainsi que la Chair One en aluminium recyclé, déclinée dans un joyeux mix de couleurs pour sa propre marque, la bien nommée Joy Objects.
        «Le quartier de Södermalm, notamment la partie proche d’Hornstull, où je vis, offre un large spectre de courants architecturaux : fin du XIXᵉ siècle, début XXᵉ, fonctionnalisme, milieu de siècle, post-modernisme, brutalisme…», s’enthousiasme cet adepte de la diversité. En phase de gentrification avancée, «Söder», comme tout le monde l’appelle ici, concentre bien entendu nombre de cafés, de boutiques de vêtements de seconde main et de vinyles, ainsi que des librairies pointues.
Idem pour les bars à vins nature et les restaurants cool dirigés par des chefs travaillant des ingrédients sourcés en circuit court et croisant les influences méditerranéennes et françaises avec les piliers de la nouvelle gastronomie suédoise. Tout au sud, l’ancien quartier des abattoirs fait l’objet d’un vaste projet immobilier, future extension de la ligne de métro incluse. Le Hus 26 est d’ores et déjà un nouveau hub gastronomique, plébiscité à juste titre avec les restaurants Solen, Hosoi, Bar Montan (inoubliables pansotti aux chanterelles, ricotta et huile de cédrat…).
        La créativité non formatée se lit ici aussi bien dans les assiettes que dans l’aménagement intérieur. Il en résulte non pas un décor, mais plutôt des atmosphères.
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