La dernière rénovation datait de 2007 et depuis, on n’avait pas vu le temps passer ! À l’époque, la refonte était émaillée de clins d’œil à Salvador Dali, fameux locataire de l’hôtel au début des années 50 et l’événement amplifié par la découverte de la fille de Philippe Starck, Ara, qui signait la fresque très « garoustienne » recouvrant le plafond du restaurant.
Franka Holtmann, directrice générale éclairée du Meurice, a réitéré le risque de remodeler le premier palace de la capitale (1835) alors qu’il ronronnait très bien depuis la touche de baguette magique starckienne. Elle a redonné carte blanche au designer français dont elle associe le talent visionnaire à celui d’Alain Ducasse, maître des lieux depuis deux ans à peine. Si cette fois, Starck a convoqué les fantômes, il l’a fait de façon bien moins appuyée. « Pour rendre « rock’n’roll – même si je n’aime pas vraiment cette expression – un endroit aussi prestigieux, dit-il, il faut de l’ambition et de la hardiesse, mais il faut surtout beaucoup de respect. Il y a ici une vibration particulière, un mystère. J’ai essayé, sans le démasquer, de le mettre en évidence. »
Le designer a convoqué pour cela un artiste-verrier français vivant à Murano (un voisin donc, puisque Starck passe une partie de sa vie à Venise), Aristide Najean, qui a créé plusieurs pièces impressionnantes, dont une sorte de vague figée en plein ressac, venue se loger dans un bénitier qui désormais semble l’avoir toujours eue pour compagne. La modernité de la cuisine de Ducasse – « premier chef à avoir notamment imposé l’éclectisme dans les arts de la table », rappelle Starck – trouve un écho dans cette réécriture subtile du restaurant gastronomique. Les sièges Tulip de Saarinen ont la modernité intemporelle adéquate pour faire ressortir les stucs dorés et les plafonds peints ; les paravents auxquels chacun pourra accrocher une photo, un message procèdent de la même « interactivité » sollicitée par le chef dans ses nouveaux plats à partager façon tapas… Starck n’a pas fait un numéro de designer ; il a « attendu que le lieu (lui) parle », tout comme sa fille a interprété dans sa fresque aux citations énigmatiques, le mystère du « théâtre de la vie » (sic) qui défile ici.
Pour satisfaire un public gâté, qui a déjà tout vu, Alain Ducasse et son chef exécutif Jocelyn Herland parient sur la justesse et l’harmonie. La touche de mystère apportée par Starck, c’est peut-être tout simplement la dimension humaine que le lieu a gagnée, une chaleur dont la métaphore est littéralement matérialisée par un feu blanc vibrant dans un cadre, comme une illusion.