Soulages au musée Fabre, un héritage en clair-obscur

Ses peintures au brou de noix, sa passion pour les statues-menhirs du musée Fenaille, à Rodez dans l’Aveyron… Tout ou presque du parcours de Pierre Soulages (1919–2022) semble familier. Alors pourquoi consacrer une énième exposition à l’un des plus célèbres pionniers de l’art moderne? Réponse au musée Fabre, à Montpellier.

Retour dans les années 1940. Le jeune Pierre Soulages, qui intègre l’École des beaux-arts de Montpellier, fréquente assidûment le musée Fabre. Il y découvre la subtilité de la palette de Zurbarán, l’utilisation du clair-obscur chez Rembrandt, les effets de lumière et de matière de Cézanne, autant de tableaux qui le guideront sa vie durant.


À lire aussi : La Fondation Louis Vuitton expose les peintures de Mark Rothko


Dialogues inattendus

Devenu l’illustre père de l’outrenoir (aplat de noir jouant avec la lumière), Soulages, reconnaissant, fera don à l’institution montpelliéraine de trente-quatre de ses pièces – constituant l’une des plus importantes collections au monde.

Conservée au musée Fenaille, à Rodez, statue-menhir de la Verrière (Aveyron), IVe -IIIe millénaire avant notre ère, grès, 87 x 50 x 15 cm.
Conservée au musée Fenaille, à Rodez, statue-menhir de la Verrière (Aveyron), IVe -IIIe millénaire avant notre ère, grès, 87 x 50 x 15 cm. COLL. SLSAA

Aujourd’hui, c’est sur trois niveaux et 1200 m² que se déploie l’exposition « Pierre Soulages, la rencontre », composée de 120 toiles, œuvres sur papier, cuivres, bronzes et verres. Un parcours où l’on retrouve aussi ses sources d’inspiration (Zurbarán, Courbet, Cézanne, Rembrandt…), enrichi des compositions de ses confrères et amis, tels qu’Hans Hartung, Anna-Eva Bergman, Pierrette Bloch ou Zao Wou-Ki. Ainsi conçu, il offre, aux habitués du musée Fabre et à ceux de l’œuvre de Pierre Soulages, des correspondances inédites.

En effet, s’ils retrouvent, dans nombre des peintures de l’artiste, l’influence de l’art pariétal ou de la calligraphie chinoise, ils remarqueront celle, plus surprenante, de figures du surréalisme, comme Max Ernst auquel Soulages emprunte la technique du raclage et du grattage.

Acrylique sur toile de Pierre Soulages (2014), 70 x 57 cm.
Acrylique sur toile de Pierre Soulages (2014), 70 x 57 cm. VINCENT CUNILLÈRE

Parmi les confrontations les plus inattendues, un tirage en noir et blanc pris par le peintre Gustave Le Gray, à Sète, vers 1856, et représentant une vue d’horizon sur la mer, dont les lignes et les reflets sur les flots font écho aux sillons horizontaux d’un grand format monochrome du maître du noir. Rappelons, ici, que Soulages possédait un atelier sur les hauteurs de Sète, avec vue sur la mer.

Judicieusement intitulée « La rencontre », d’après le titre d’une toile de Gustave Courbet, cette exposition, qui instaure un dialogue entre Soulages, ses prédécesseurs et ses contemporains, célèbre admirablement le bicentenaire du musée Fabre, tout en réalisant le vœu du peintre qui considérait que cet établissement devait « témoigner de la création artistique telle qu’elle existe dans notre pays, internationalement aussi ».

> « Pierre Soulages, la rencontre ». Au musée Fabre, 39, boulevard Bonne-Nouvelle, 34000 Montpellier, jusqu’au 4 janvier 2026. Tél. : 0467 148300. Museefabre.fr 


À lire aussi : Art contemporain : les peintures mélancoliques de Rashid Johnson