Pile ou face. Une pièce a toujours un anvers et un revers… Certes, Saint-Barthélemy, ce sont des villas à prix stratosphériques, la plus grande concentration mondiale de yachts entre Noël et le jour de l’An, des people en pagaille tels des ermites en grappes, griffés et siglés, des tablées d’Américaines botoxées, une densité hallucinante d’hôtels 5 étoiles – dix, dont un palace – sur un territoire de 21 km2… Le côté pile de l’île.
Mais il y a aussi le côté face. Celui d’une terre qui a su garder ses secrets. Où la plus belle plage, celle de Colombier, n’est accessible qu’après quarante-cinq minutes de randonnée à flanc de falaise, où il faut marcher, longtemps, le long d’une côte sauvage battue par les vents chauds des Caraïbes, pour dénicher une piscine naturelle, au bord de laquelle on peut boire un rhum arrangé par une joyeuse bande de babas gentiment stone au cœur de Gustavia, où certains jouent résolument la carte de la discrétion.
Sur la pointe Milou, c’est la devise du Christopher : faire de la simplicité un art de vivre. Ni tambour ni effets de manches, le Christopher jouit d’une vue à couper le souffle. Un spot de surf en premier plan, les quartiers de Lorient puis de Saint-Jean, avec l’Eden Roc, mythique et indétrônable, et la fameuse piste XXS de l’aéroport de poche et, enfin, l’anse des Cailles.
À part les touches subtiles d’orange (Hermès) – la couleur favorite de la propriétaire– disséminées un peu partout, la neutralité des tons, comme des formes, est un faire-valoir pour la nature environnante, les jardins tirés au cordeau. Ni trompette ni falbalas, le Christopher propose à ses hôtes une table délicate et inspirée, imaginée par Nicolas Tissier – qui a notamment fait ses armes chez Christian Le Squer et Jean-François Piège –, au Mango, pieds dans le sable, et au Christo, tel un balcon posé au-dessus des flots, ainsi qu’un spa signé Sisley avec de somptueuses cabines ouvertes sur la mer. Saint-Barth côté face.
De nombreux hôtels de luxe, ici comme ailleurs, ont flairé depuis quelques années un nouveau filon : les villas hôtelières. Certains groupes se transforment en promoteurs, construisent des biens qu’ils vendent clés en main à des particuliers tout en assurant leur gestion ; d’autres restent propriétaires et ajoutent une offre encore plus privative – et surtout plus adaptée aux voyages en tribu – à leurs chambres et suites; d’autres enfin vont créer de véritables collections en négociant des contrats de gestion exclusive avec des propriétaires. Saint-Barth, côté pile ou côté face : on compte 550 chambres d’hôtel pour 2 700 chambres en villa. Le Christopher devait bien, lui aussi, entrer dans la danse et répondre à la demande d’une clientèle qui souhaite se sentir chez elle tout en profitant des services d’un hôtel de luxe. Win-win.
C’est à Olivia Putman qu’a été confiée la décoration des trois nouvelles villas du Christopher, joliment baptisées Niña, Pinta et Maria, en hommage aux caravelles de Christophe Colomb. L’architecture est réduite là aussi à sa plus simple expression. Une vaste salle de séjour, quatre chambres-suites réparties sur deux niveaux, une cuisine équipée et un salon télé, une terrasse avec piscine à débordement et vue. Une frugalité des formes qu’a faite sienne la designer pour imaginer les volumes et la décoration intérieure des villas. Des rondeurs presque organiques, du bambou, du grès, de la pierre de lave, du chêne… C’est la nature qui entre et sort de la villa, comme si les frontières entre extérieur et intérieur avaient été abolies.
« J’ai tenu compte des habitats locaux qui se servent de la nature, s’y intègrent harmonieusement, explique-t-elle. C’est frappant pour les volumes et les charpentes en bois. Les matériaux que j’ai choisis possèdent tous une forme de douceur, de résistance. J’ai souhaité qu’ils témoignent de la nature elle-même. La présence de différents bois m’a semblé évidente, il fallait les assembler, les faire entrer en écho avec d’autres matières. Le sipo, les bambous, les lambris blancs typiques de Saint-Barthélemy sont ainsi comme rehaussés par des carrelages de grès très doux, du mobilier en pierre de lave, des tapis en fibres végétales… » Olivia Putman a dessiné de nombreux éléments de mobilier – une table basse, des bouts de canapé, des ban- quettes et un bureau –, auxquels elle a mêlé quelques pièces iconiques conçues par l’agence Andrée Putman – une table de salle à manger et un pouf. Ce mélange crée l’illusion d’une vraie habitation de vacances, résolument contemporaine, hors des codes.
« En me figurant ces villas, j’ai eu la chance de me projeter et d’imaginer ce que serait la maison de vacances de mes rêves. Accueillir l’extérieur, le vent, la lumière… Imaginer des formes aérées et généreuses. J’ai voulu que tout soit ouvert, qu’on éprouve dans ces villas un sentiment de liberté. Ces lieux offrent un refuge, une aire de repos. On a donc supprimé les obstacles et conçu ces maisons sans réelles séparations entre le dedans et le dehors. La nature pénètre l’espace intérieur, on entend les oiseaux, le bruissement des palmes, on goûte les brises marines… Ainsi, on s’y sent bien, à la fois protégé et en communion avec l’extérieur. » poursuit Olivia Putman. Sa dénition du luxe ? « Vivre une parenthèse dans un endroit remarquable, gommer les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, rêver devant le coucher du soleil…» L’art de vivre à Saint-Barth, côté face.
> Christopher Saint-Barth. Pointe Milou, 97133 Saint-Barthélemy. Tél. : +590 590 27 63 63. Hotelchristopher.com