JOURS 3 & 4 : Haus auf der Alb et Ulm
À 50 minutes de Stuttgart, Adolf Gustav Schneck (un des architectes de la Weissenhofsiedlung) a construit, dans le Jura souabe, un centre de colonies de vacances en 1929, la Haus auf der Alb. Depuis, le bâtiment a connu plusieurs vies (hôpital, centre de reconstruction faciale, maison de repos…) pour devenir, après une profonde rénovation, un centre d’éducation à la citoyenneté parrainé par l’État, où se tiennent des séminaires. Les visites guidées (et gratuites) sont organisées sur rendez-vous, mais on peut aussi simplement visiter l’exposition qui raconte l’histoire du bâtiment.
À une heure de là, sur les rives du Danube qui délimite le Bade-Wurtemberg de la Bavière, se trouve la ville d’Ulm. Outre ses résidents célèbres (dont Albert Einstein, qui siégea au conseil de l’école Bauhaus !), Ulm est une étape importante dans ce parcours, puisque c’est là que le Bauhaus a pu trouver après-guerre, à travers La Hochschule für Gestaltung (HfG, École supérieure pour le design), un second souffle. Comme à l’origine, on y encouragea les étudiants à mettre leur sens artistique au service de l’industrie, à fusionner art et design. C’est Max Bill (1908-1994), élève des premiers acteurs du Bauhaus, qui dessina le bâtiment. Il dirigea l’école jusqu’en 1957, année où, en désaccord avec une pédagogie excluant l’esthétique, il la quitta. Six cents étudiants y furent formés de 1953 à 1968.
JOURS 5 & 6 : Constance
L’ancienne gare portuaire du lac de Constance à Friedrichshafen fut le point de départ de ceux qui, dans les années 30, avaient choisi de quitter l’Allemagne pour la Suisse. Réalisée selon les plans de Karl Hagenmayer, elle se distingue comme une œuvre majeure de l’architecture Bauhaus. Le bâtiment, tout blanc, avec ses fenêtres en bandeaux et sa terrasse extérieure, a été conçu comme un point de repère attrayant pour ceux qui arrivent de Suisse en bateau ; les nazis avaient besoin de modernité, séduisante et désirable. Elle abrite, depuis 1988, le Zeppelin Museum. L’usine Zeppelin et ses dirigeables furent l’un des plus grands outils de communication du parti nazi.
Le romantisme et la modernité de ce type de voyage a anobli leur image des deux côtés de l’Atlantique, alors qu’elle était en grande partie basée sur les principes de conception et de production du Bauhaus (interdit en 1933). Il faut déjeuner dans le restaurant à l’étage, avec vue sur le lac et les Alpes suisses enneigées.
À 40 minutes de route du Zeppelin Museum, à Meersburg, le café Möwe est un petit bijou qui a élu domicile dans un ancien terminal de ferries construit en 1951 par un ancien élève de Mies van der Rohe, Hermann Blomeier, le 79e diplômé du Bauhaus de Dessau, en 1932. Il a passé treize ans avec son diplôme en poche, sans pouvoir l’utiliser. Et même après-guerre, le style international fut difficile à imposer aux abords policés du lac… En 1953, Blomeier conçut pourtant aussi, mais de l’autre côté, le Neptune, un club d’aviron dont la plupart des façades étaient en verre, également transformé en restaurant.
JOUR 7 : Karlsruhe
À deux heures et demie de route de Meersburg, à Karlsruhe, le complexe de Dammerstock est un ensemble de 228 logements sociaux réalisé par Walter Gropius et Otto Haesler en 1929. Le fondateur du Bauhaus vient de démissionner de son poste à Weimar, et la question sociale du logement l’intéresse. Il gagne le concours international organisé par le maire Hermann Schneider qui veut doter sa ville de logements abordables. Composant des immeubles de cinq étages, ces appartements de 49 à 75 m2 sont un peu les premiers « HLM » d’Allemagne.
Les bâtiments lumineux et aérés, orientés vers le sud pour profiter de la lumière tout au long de la journée sont agrémentés d’espaces verts. Le mobilier a été spécialement conçu et les immeubles bénéficient du chauffage central et d’une buanderie accessible à tous les locataires. Après une phase de construction intensive de sept mois, le complexe est ouvert. Le prix d’entrée modique n’a pas empêché la classe moyenne de considérer les lieux comme « un pot de chambre avec sa poignée à l’intérieur pour gagner de la place ». Mais de nos jours, la liste d’attente est longue pour louer un de ces appartements !