En franchissant le pont qui relie les deux rives du parc de la Villette, impossible de rater cette silhouette joufflue. En s’en approchant, les curieux dégainent leurs téléphones, d’autres murmurent « c’était donc ça ! » Cela ne fait que quelques jours que Ventrus a hissé son pavillon, révélant enfin à ses voisins la raison de son (court) chantier. A l’intérieur de cette cabane se cache le premier restaurant locavore itinérant de France.
With a view
Alors que la valse des adresses délectables n’appuie jamais sur pause, une initiative vient rebattre les cartes. Il s’agit de celle d’un ancien publicitaire animé depuis toujours par la bonne bouffe et le respect de l’environnement. Avec Ventrus, Guillaume Chupeau réalise enfin son rêve, formalisé dans sa tête et sur papier bien avant l’apparition du Covid. Forcément, la pandémie avait retardé la concrétisation du projet…
L’idée est simple : « offrir à des lieux avec vue une cantine de qualité. » Si Guillaume Chupeau avoue s’être imaginé dans les Calanques ou au milieu de nulle part avant de tabler sur la Villette, force est de constater que ce premier point de chute alloue à l’initiative une exposition idéale. Car, si d’apparence Ventrus est un simple restaurant, il n’en est rien…
Afin de rendre possible ce repas avec vue, de nombreuses contraintes s’annoncent. Souvent fragiles, les sols qui bordent une plage, une forêt ou n’importe quel bout de nature préservé, ne doivent pas être dérangés trop longtemps par la présence d’une structure. Ainsi, celle-ci doit être sensiblement légère et facilement démontable pour permettre, de surcroît, au restaurant itinérant de poursuivre son chemin. Aussi, et très logiquement, le projet se doit de réduire un maximum ses déchets et sa consommation d’énergie et de ressources. En bref, Ventrus trace les contours du restaurant du futur.
Une architecture innovante
Parce qu’il a de la suite dans les idées et qu’il a su s’entourer d’une équipe pointue, Guillaume Chupeau démontre avec sa structure du parc de la Villette que tout est possible, avec un peu d’ingéniosité. Aux commandes de l’architecture : François Muracciole, a qui l’on doit cette ossature montable en deux semaines, faite de bois issus de forêts responsables françaises et de deux containers « premier voyage », c’est-à-dire qui ont déjà effectué une première mission sans trop être abimés. Sans mettre de côté l’esthétique, l’architecte a pensé une silhouette fidèle à l’esprit du restaurant itinérant : généreuse et chaleureuse. Avec ses volumes arrondis et l’omniprésence de baies vitrées — un 4 pour se délecter de la vue —, les lieux offrent à la fois un sentiment d’intimité et une certaine évasion de l’esprit.
Le mobilier (bar, tables et luminaires) a lui aussi été dessiné par François Muracciole suivant les lignes courbes et épurées de l’architecture du lieu, ainsi que l’usage d’un bois vertueux. Les couverts sont de seconde main, tout comme les chaises, chinées mais pas dépareillées. Le tout donne une impression de légèreté qui sied à merveille le concept du restaurant.
De la suite dans les idées
Ventrus fait également le choix d’une technologie innovante en travaillant main dans la main avec des start-up françaises. En repensant le traitement de l’eau et le fonctionnement des toilettes (écologiques et hors-réseau), le restaurant itinérant s’assure une économie de 80% de consommation d’eau par rapport à un restaurant traditionnel.
En cuisine, l’ensemble de l’électroménager est issu de l’upcycling, une initiative de la start-up Vesto. Une économie de moyen qui permet de surcroît de donner une seconde vie à des objets qui auraient été destinés à la poubelle. La dynamique positive du projet se poursuit jusque dans la revalorisation des déchets alimentaires, récoltés deux fois par semaine par l’entreprise engagée Les Alchimistes, en triporteur, pour en faire du compost à 10 km de La Villette.
Qui dit restaurant itinérant dit…
N’oublions pas que Ventrus est avant-tout un restaurant. Sa cuisine est donc au cœur de sa démarche. Avec comme point d’orgue ses producteurs, Ventrus veut avant-tout faire vivre un système sans mastodontes de la consommation. Favoriser une gastronomie de saison basée sur les produits frais et s’inscrire dans les patrimoines régionaux de chaque lieu d’implantation du restaurant itinérant.
La première cheffe d’orchestre de ce projet se nomme Juliette Brunet. Formée chez Alain Passard, Alain Ducasse et Grégory Marchand, sa cuisine est naturelle et franche, authentique et audacieuse, finalement riche de tous ses voyages. Chaque jour, elle proposera une carte évolutive et courte, deux entrées, deux plats, deux desserts, auxquels s’ajouteront quelques bouchées le soir, afin de permettre aux aficionados de musique de manger un bout avant de se ruer à leur concert.
Lui succèderont des chefs français ou étrangers aux univers très différents, qui, à travers des cartes éclectiques et raisonnées, feront vivre Ventrus à leur manière.
> Ventrus. 28, avenue Corentin Cariou 75019 Paris. Métro Porte de Pantin ou Corentin Cariou.