«On voulait au maximum donner l’impression qu’aucun architecte n’était passé par là depuis dix ans », assènent d’emblée Hauvette & Madani, les metteurs en scène des lieux. Il est vrai que ce sublime duplex du Trocadéro n’a rien d’un appartement contemporain. À première vue, si ce n’étaient les volumes conséquents, on le confondrait avec un manoir anglais. Tapissé de bois, jouant le clair-obscur, ce pied-à-terre invite au voyage d’une époque à une autre.
Pourtant, on peut encore humer les peintures fraîches. Le chantier vient de s’achever et les propriétaires y ont à peine posé leurs valises. C’est la seconde fois qu’ils font appel à Hauvette & Madani, cabinet d’architecture d’intérieur dont vous n’avez sans doute pas fini d’entendre parler… En attendant, cela fait un peu plus de dix ans que le duo œuvre dans l’ombre pour ses clients particuliers. De Paris à Arcachon en passant par l’étranger, Samantha Hauvette et Lucas Madani courent les projets résidentiels qui leurs sont souvent confiés, souvent grâce au bouche-à-oreille. « On a la chance d’avoir des clients fidèles, qui recommandent notre signature », confie le duo. « Du coup, on ne prospecte quasi jamais et on se contente de travailler pour des gens qui partagent notre sens de l’esthétique. » Dernière preuve avec l’hôtel parisien Wallace à Paris, dont ils ont signé la décoration.
Les deux associés n’ont jamais travaillé que pour eux-mêmes. A leur sortie de l’école Camondo, des amis leur proposent de redécorer leur domicile. « C’est ainsi que l’aventure a commencé et la chaîne ne s’est jamais interrompue. » Depuis, ils distillent leur style au gré des commandes. « On n’aime pas imposer notre vision. On s’enrichit de la personnalité des propriétaires et de leurs envies pour adapter notre patte. » Pourtant, leurs projets ont tous des traits communs, à commencer par l’importance de la lumière. « Naturelle et artificielle, on définit toujours les règles en fonction de l’éclairage. Murs à faire tomber, sources à maximiser, c’est souvent le point de départ d’un projet. » Dans cet appartement du Trocadéro, par exemple, la cloison qui séparait la cuisine de la pièce à vivre est tombée pour donner au petit coin repas une chaleur dont il était jusque-là privé.
Autre case à cocher : les contrastes. Mariages d’époques, dualité de styles… « On déteste le total-look », insiste Lucas Madani. « Quand tout est assorti, l’ensemble est figé. Alors que lorsqu’une pièce répond à une autre, des reliefs apparaissent. » Ainsi, Hauvette & Madani ont choisi, pour cette réalisation au Trocadéro, de bousculer la chaleur du bois par une cuisine ultra-contemporaine aux teintes polaires. « Les propriétaires voulaient conserver le bois d’origine qui recouvrait quasiment toutes les pièces du rez-de-chaussée. On s’est donc contenté de lui appliquer une teinte plus foncée, pour lui apporter de la profondeur. Et nous avons fait appel à un duo d’amies peintres pour patiner les murs de la cuisine avec une peinture bleu-gris. » Les plans de travail, eux, prolongent l’effet glacé et sont recouverts de marbre blanc. L’équilibre est parfait…
De ces deux préceptes découle une philosophie : celle de faire du vieux… avec du neuf ! « Ce qui est le plus important pour nous, c’est de faire oublier l’intervention du décorateur. Le pari est gagné si nos clients ont l’impression qu’ils ont toujours vécu dans leur nouvel appartement. » Hauvette & Madani sont les architectes du passé. En invoquant les grands noms du design (Pierre Paulin, André Sornay, Warren Platner) aux côtés de pièces contemporaines (Bouroullec pour Ligne Roset), dénichées en galerie, chez IKEA ou tout simplement créées sur-mesure, le duo donne naissance à un univers où les dialogues sont fertiles. « Ca tombe bien, on conçoit nos intérieurs comme des lieux de réception. On a toujours le moment de l’apéro dans un coin de la tête ! »