Mitry-Mory (77), tout près du Bourget des jets privés : c’est là que Julien Lombrail, fondateur de la Carpenters Workshop Gallery avec Loïc Le Gaillard, nous a reçus, dans les 8 000 m2 de l’ancienne fonderie d’art Blanchet-Landowski. Le lieu est devenu aussi bien leur espace d’exposition qu’un atelier de production où les artistes peuvent résider. Le galeriste revient sur les dix ans d’art design de la CWG, qui, pulsant aussi bien à Paris et à Londres qu’à New York, est devenue une actrice majeure des arts décoratifs du XXIe siècle.
Quel bilan dressez-vous de ces dix ans ?
Carpenters Workshop Gallery est devenue ce que nous voulions faire. On ne pensait pas que ce serait possible en si peu de temps. Finalement, le rêve de départ commence à prendre vie.
Qui étaient vos premiers clients ?
D’abord, des collectionneurs d’art. Je me rappellerai toute ma vie le moment où est arrivée une grande collectionneuse colombienne et que nous étions, avec Loïc, à quatre pattes en train de passer l’aspirateur. Elle nous a acheté une commode de ma mère (Ingrid Donat, artiste de la galerie, NDLR) à 45 000 £ (autour de 66 000 € à l’époque). Et là, nous avons eu l’impression d’avoir gagné au Loto. En 2016, chez Artcurial, cette commode a atteint 230 000 € aux enchères…
Qu’est-ce qui a le plus changé depuis vos débuts ?
Les mentalités. Quand on a commencé, on nous prenait pour des ovnis. D’ailleurs, l’un de nos premiers collectionneurs – et je lui en serai toujours infiniment reconnaissant – était un ovni lui aussi. Il fallait être dingue. C’est beaucoup moins risqué aujourd’hui d’acheter une pièce chez nous qu’à nos débuts.
Pourquoi être présents à Paris, New York et Londres ?
Être présent dans les trois grandes capitales de l’art est le rêve de tout galeriste. Mais on a surtout pensé à donner la meilleure distribution aux artistes. Au fond, notre métier, c’est de défendre les artistes partout. Un peu technique, il implique beaucoup de production. Ce qui complique un peu les choses et réduit les marges. Nous, nous nous sommes développés de façon organique.
Certains artistes ont-ils émergé avec vous ?
Avec nous et comme nous. Nous sommes une génération. Ici, dans nos ateliers de production, voilà le résultat de nos passions communes. Cela commence à prendre des proportions économiques impensables à l’époque. Avec Loïc, on était deux. Je dormais sur son canapé. Et on hébergeait aussi les artistes. On a réussi à créer notre propre écosystème. Ce qui nous rend aujourd’hui très heureux.
D’ou vient ce succès d’Ingrid Donat aux enchères ?
Il y a d’abord très peu de pièces qui passent en vente. Ma mère est une sorte d’Eileen Gray contemporaine. Elle dessinait tout le temps, même au téléphone, sur des enveloppes que j’ai gardées. Tout ce qu’elle faisait au départ était pour la maison. Comme elle, il y a vingt ans, Loïc et moi avons mis dix ans pour forger notre outil. Aujourd’hui dans nos ateliers, nous créons une qualité apte à s’insérer jusque dans l’art contemporain. Je demande donc aux collectionneurs de considérer le design de collection comme aussi important que le travail des artistes, dont certains sont d’ailleurs surcotés.
Qu’est-ce qui vous intéresse chez un artiste ?
Qu’il soit sincère. Qu’il ait une intégrité intellectuelle et artistique. Un artiste séducteur, cela ne nous touche pas du tout.
Dans quel état d’esprit êtes-vous concernant votre avenir ?
Nous sommes très optimistes. On conduit la voiture la plus rapide du circuit. Il va juste falloir éviter de la planter (rires).
Carpenters Workshop Gallery.
> London Mayfair : 4 Albemarle Street, W1S 4GA London.
> Paris Marais : 54, rue de la Verrerie, 75004 Paris.
> New York Fifth Avenue : 693 Fifth Avenue, New York 10022.