Devant une foule d’étudiants et d’architectes réunis le 15 janvier au Pavillon de l’Arsenal, Renzo Piano a profité de l’invitation du Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris pour revenir sur une carrière exceptionnelle, lancée de manière fulgurante avec la réalisation du Centre Pompidou (1977). Aujourd’hui installé à 300 mètres du musée parisien, dans son agence de la rue des Archives, ce Génois, qui se présente avec humour comme le « Quasimodo de Beaubourg », apprécie encore d’observer chaque jour « le lieu du délit », où lui et Richard Rogers ont eu « la folie d’occuper uniquement la moitié de la parcelle disponible ». Un acte de générosité envers l’espace public qui témoigne d’une démarche plus large et toujours aussi actuelle : « construire pour les gens ».
Sans oublier d’évoquer la complexité cachée du Tribunal de Grande Instance, la transparence du siège du New York Times ou l’insertion urbaine de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, l’architecte de 82 ans a pour l’occasion choisi de mettre en avant ses bâtiments publics. Autant de « lieux qui rassemblent et induisent de fait des projets particulièrement intéressants ». A l’exemple du Centre Culturel Tjibaou (1998) pensé comme un véritable projet anthropologique pour incarner la culture calédonienne, du nouveau Whitney Museum (2015) new-yorkais ou du Centre culturel de la Fondation Stavros Niarchos (2016) qui cumule depuis peu un parc, un opéra et une bibliothèque à Athènes.
« Construire pour les gens, ça ne sert à rien si on oublie la poésie des choses », nuance toutefois Renzo Piano après avoir égrainé la liste de ses projets. « Il faut se réapproprier la beauté. Aujourd’hui, le terme est interdit, car associé à une connotation cosmétique, fausse et légère depuis qu’il a été accaparé par les publicitaires. Mais dans de nombreuses langues africaines “beau” veut également dire “bon”. Je crois profondément à cette signification. Pour moi, le beau s’applique au-delà du visible, en sciences, en politique… Mon rôle est de rendre la ville et les gens plus beaux grâce à des bâtiments qui créent la curiosité », conclut finalement l’architecte, avant de citer avec malice L’idiot de Dostoïevski, car oui, selon lui, « la beauté va sauver le monde »…