Comment une artiste-verrière a-t-elle rejoint le labo de R&D d’un éditeur de logiciels 3D comme Autodesk ?
J’ai appris le travail du verre avec des artisans vénitiens. J’admirais la transmission des savoir-faire et l’alliance virtuose du corps, des outils et du matériau. Mais à un moment de ma carrière, j’ai cherché à mêler cet artisanat avec les nouvelles technologies de fabrication. Car en Vénétie, les gestes humains étaient calculés pour se répéter exactement, comme une machine, afin que tous les objets soient identiques… J’ai alors pris conscience que la production de ces ateliers était restée inchangée depuis des siècles car les outils n’avaient jamais évolué. J’y ai néanmoins beaucoup appris de la sensibilité au matériau, de ses propriétés physiques et de son comportement dans différents types d’environnement… Tous ces savoirs tacites que les ouvriers acquièrent sont précieux. Je voulais les utiliser pour améliorer les technologies de production de verre. Quand Autodesk est venu me chercher, je consacrais mes recherches aux différentes façons de robotiser ces process.
Comment s’est passée cette résidence ?
Une fois arrivée au Pier9, j’ai eu accès à un parc de machines de pointe (imprimantes 3D, découpeuses numériques, robots…) et à une formation qui collaient idéalement avec mes recherches. J’ai pu observer les expérimentations en cours, notamment avec le robot-soudeur. Imprimer du métal en 3D requiert de très hautes températures, comme le verre. J’ai compris que mon robot-verrier devrait suivre la même voie. J’y ai aussi appris comment programmer une découpeuse numérique, une découpeuse à jet d’eau, un routeur…
Quel a été le résultat de vos recherches ?
J’ai développé et fabriqué la FFDM (Fused Filament Deposition Modeling Printer), une machine qui « imprime » du verre. Cet outil fonctionne comme une imprimante 3D, mais j’ai dû adapter son logiciel pour que la buse supporte un filament de matériau en fusion. Une double torche chauffe le verre à 1 100° C avant de le déposer. Cet outil est monté sur un petit robot industriel qui le déplace à l’intérieur d’une chambre chauffée.
Rétrospectivement, qu’est-ce que cela a apporté à votre travail ?
Au Pier9, j’ai découvert que j’adorais programmer des machines pour couper, imprimer, découper, sculpter… Mon expérience avec un matériau délicat comme le verre me permet de travailler avec la céramique et les composites. A travers ce projet, j’ai découvert que des savoir-faire analogiques et manuels pouvaient être une base de développement pour des outils numériques. Les gens ont souvent peur que les robots remplacent les travailleurs humains. De mon côté, je suis passionnée par les opportunités offertes par ces nouveaux outils en termes d’amélioration des process. Depuis ma résidence au Pier9, j’ai orienté mes recherches vers la façon dont les nouvelles techniques de fabrication pouvaient être appliquées à l’architecture, à la construction, à l’ingénierie… J’ai désormais intégré l’Autodesk Boston Build Space, un centre de R&D qui planche sur le futur de la fabrication d’objets de toute échelle.