Conduit tout au long de l’année 2018 avec une présentation au dernier salon Maison & Objet, le premier atelier chamboule l’approche traditionnelle du design en se basant sur la synesthésie. Cette branche de la psychologie cognitive, actuellement en plein développement, étudie les interactions entre nos différents sens. Les professeurs, Elena Tosi Brandi, spécialiste du sujet, et François Azambourg, ont donc demandé aux étudiants de faire abstraction de l’aspect visuel et de fonder leur démarche de designer sur une découverte scientifique de ce domaine. Ils ont donc (provisoirement) abandonné le dessin pour se concentrer sur l’invention de nouvelles typologies, en combinant des sens qu’on n’associe pas d’ordinaire.
Clément Sullivan s’est ainsi penché sur le fade en essayant de se demander quelle est sa couleur, sa température, sa forme… De ses recherches est né un moule qui permet de donner des formes originales à la polenta, un mets plutôt insipide. Julien Gorrias a, lui, étudié les mouvements des mains de personnes attablées et en a tiré des objets à manipuler entre deux plats ou deux bouchées. Quant à Valentin Devos, il a créé un beurrier conçu pour faire absorber à la matière grasse les odeurs environnantes. François Azambourg l’affirme, « cet atelier a appris aux étudiants à être plus conscients de leurs propres sens et de leur interaction dans leur travail. Ils sont désormais plus sensibles au monde qui les entoure dans leur approche de designer. »
L’autre atelier dirigé par Laurent Massaloux et Romain Cuvellier s’est penché sur le cas des objets connectés, mais en essayant de les envisager comme des moyens de réduire le recours à nos smartphones. Cette volonté de renouer avec l’humain, l’analogique, d’éliminer les écrans se traduit par exemple par la station de Léo Verstiggel qui retranscrit les informations de votre smartphone : un ruban s’emmêle quand le trafic est dense autour de chez vous, un ballon se gonfle plus ou moins pour indiquer la qualité de l’air ambiant, une roue affiche la clarté du ciel…
Victor Ohlmann a, lui, créé un ensemble de petits objets à manipuler pour choisir la musique que l’on veut écouter. Fini les playlists standardisés ou la recherche par artiste ! L’un sert à donner le tempo du titre, l’autre sa date de création, un troisième le nombre d’instruments… Autant d’informations transmises directement aux intelligences artificielles de Spotify, Deezer ou Apple Music, capables de filtrer leur immense catalogue grâce à ces informations. Dans la même logique de rejet des écrans, la création de Sacha Parent permet, au moment du coucher, d’allumer son réveil… et de suspendre l’activité de tous les objets connectés de la maison.
Une sélection de ces travaux prometteurs est actuellement exposée dans le hall de l’école, accessible au public en journée. Autant d’exemples qui démontrent la possibilité d’innover dans un milieu pourtant très conservateur. A l’issue de ces cinq mois de travail commun, Gloria Barcellini d’Alessi nous a confié que trois à quatre projets pourraient prochainement être commercialisés par l’éditeur italien…
> Expériences sensibles à l’ENSCI. 48, rue Saint-Sabin, 75011 Paris. Du lundi au samedi, de 10 heures à 18 heures. Jusqu’au 5 novembre.