Le site de Mexico City n’a rien de comparable avec celui d’une autre capitale. Il ne faut pas hésiter à s’élever, de préférence par temps clair, au sommet de la tour Latino-américaine pour prendre la mesure de cette gigantesque conurbation qui se déploie au cœur d’un bassin situé à 2 240 mètres d’altitude : une agglomération de plus de 24 millions d’habitants, dont plus d’un tiers rien que pour la ville de Mexico.
Si les villes de cette taille implantées à une telle altitude se comptent sur les doigts d’une main – Addis-Abeba, en Éthiopie, à 2 355 mètres et Bogota, en Colombie, à 2 640 mètres –, le cas de Mexico est sans aucun doute unique de par son déploiement dans le lit d’un lac (désormais asséché) et à proximité d’un volcan, le Popocatépetl, qui place la cité dans une zone hautement sismique. Une situation complexe qui synthétise bien les problématiques auxquelles les architectes du XXIe siècle doivent faire face. Pour comprendre cette implantation urbaine si particulière et son incroyable mutation, un rapide historique n’est pas superflu, tant les réflexions architecturales développées au cours du XXe siècle y sont liées.
On date les premières traces d’habitations à cet endroit au XIVesiècle (1325), alors que les Mexicas (des peuplades aztèques) commencent à s’installer sur une île du lac Texcoco. Peu à peu, l’agglomération gagne en supercie, notamment grâce à la création de digues et d’îlots flottants en bambou et limon servant à l’agriculture.
Sous le nom de Tenochtitlán, elle devient la capitale de l’empire aztèque, abritant, selon les estimations les plus probables, une population avoisinant les 250 000 âmes au début du XVIe siècle. Elle s’étend alors à l’intérieur d’un carré de 3 km de côté qui se divise en quatre grands secteurs à la croisée desquels se trouve le centre religieux, le Grand Temple (Templo Mayor). Comme pour amplifier cette symétrie, quatre profondes artères et de nombreux canaux permettent de traverser la cité, qui s’articule, comme on le devine, selon un schéma urbain très organisé, avec ses tribunaux, ses arsenaux, ses écoles, ses marchés et même ses toilettes publiques.
Autant dire une métropole parfaitement « designée » que des témoignages écrits dépeignent comme l’une des plus importantes de l’époque. En 1521, le conquistador Hernán Cortés prend possession de la ville. Pour effacer toute trace de la culture aztèque, il fait en grande partie détruire les principaux édifices et se charge d’en ériger de nouveaux dans un style très européen, propice à accueillir la capitale de la vice-royauté de Nouvelle-Espagne. Avec, notamment, en lieu et place du Grand Temple, la place de la Constitution, connue sous le nom de Zócalo, autour de laquelle se trouvent encore de nombreux bâtiments de l’époque. Cependant, séduit, pour ne pas dire frappé, par l’extraordinaire caractère novateur de cette cité, il en préserve le plan originel en damier, qui va perdurer jusqu’à nos jours. Le Mexico d’aujourd’hui s’appuie donc plus ou moins sur ce schéma. Deux grandes