S’il est un nom qui circule sur la Côte d’Émeraude lorsqu’il est question d’architecture, c’est sans conteste celui de Christophe Bachmann. À tout juste 50 ans, il est celui que l’on s’arrache entre Dinard et Saint-Malo pour rénover ou construire sa maison, concevoir un restaurant ou imaginer un hôtel. Rien ne prédestinait pourtant cet architecte qui a grandi dans l’Est de la France à poser ses valises en Bretagne. Mais aujourd’hui, son agence est installée à Dinard, à deux pas de la mer. Une petite ville balnéaire où il n’a pas le temps de s’ennuyer tant il est sollicité, ici et ailleurs. Passionné de voile, Christophe Bachmann s’est d’abord rêvé en architecte naval.
Elan de créativité
Diplômé de l’École spéciale d’architecture (ESA), à Paris, il intègre en 1992 la filière Yacht and Boat Design de l’université Solent, à Southampton (Royaume-Uni) pour se spécialiser. Mais il se rend rapidement compte que l’ingénierie et la technique prennent le dessus sur la créativité lorsqu’il s’agit de dessiner des bateaux. Pour lui, pas question de sacrifier l’essence de son métier sur l’autel de sa passion : il sera architecte, tout simplement. À son retour en France, il fait ses armes dans des agences parisiennes. Puis l’amour de la mer l’amène à Dinard, où il a des attaches familiales. Il va d’abord travailler comme chef de projet au sein d’une petite structure locale. C’est au cours de ces six années qu’il acquiert une solide expérience en matière de chantier. Christophe Bachmann décide ensuite de créer sa propre agence en 1999, et le succès ne se fait pas attendre.
Des clients fidèles
Très vite, le maître d’œuvre se forge une solide réputation dans cette région plutôt conservatrice en matière d’architecture par son goût sûr et sa capacité à marier le contemporain et l’ancien. Il débute par des maisons privées, qui représentent encore un tiers de son activité. « Beaucoup d’architectes arrêtent de réaliser des maisons car ce sont des commandes complexes et chronophages. Moi, non. Ce sont des projets où l’on peut accompagner les clients jusqu’au bout et aller très loin dans le détail, ce que j’adore », confie-t-il. La décoration n’est pas un mot qui effraie l’architecte dinardais quand d’autres rechignent à s’y consacrer. Lui la voit au contraire comme un aboutissement, une façon d’envisager un projet dans sa globalité. Un autre tiers de la production de l’agence est consacré aux logements collectifs, et le dernier, à l’hôtellerie et à la restauration. Christophe Bachmann travaille également en région parisienne, en Normandie ou encore à la montagne.
Depuis 2014, il s’est associé à Jérôme Gesret, architecte originaire de Saint-Malo, et l’agence emploie désormais 17 personnes. Il peut compter sur de fidèles commanditaires tels qu’Olivier Roellinger. Le célèbre chef cuisinier lui a confié la réalisation de ses pâtisseries et de ses boutiques d’épices à Saint-Malo, Dinard et Paris mais aussi de ses maisons d’hôtes, parmi lesquelles La Ferme du Vent, lieu incroyable face à la baie du Mont-Saint-Michel. Autre client régulier, le groupe Looping, qui possède le zoo de La Flèche, dans la Sarthe, le parc animalier Planète sauvage, à côté de Nantes, et le West Midland Safari Park, à proximité de Birmingham, en Angleterre. Il réalise pour eux des lodges auxquels il apporte le plus grand soin et, bientôt, un hôtel en immersion complète au milieu des animaux.
La beauté du matériau
« J’ai la chance de travailler sur des projets hallucinants tout le temps ! », s’enthousiasme-t-il. À Saint-Briac, en Ille-et-Vilaine, il vient d’achever l’extension d’une maison pour un passionné d’art moderne, un mini-musée conçu comme un écrin précieux. Il rénove également des emblèmes de l’architecture balnéaire, toujours soucieux d’agir avec mesure sans renoncer à s’exprimer. Des projets qu’il imagine au feutre bleu sur des feuilles de calque. « Je dessine encore beaucoup », reconnaît-il. Le point commun de toutes ces réalisations ? « Nous aimons la lumière et les matières naturelles. La beauté du travail bien fait. Les lignes simples, épurées. La présence silencieuse d’une pièce décorative. Les savoir-faire artisanaux qui magnifient les matériaux. »
Exalter l’âme des lieux
Dans sa région, qui reste très attachée à son patrimoine et aux vieilles pierres, il doit parfois consacrer « des heures et des heures à la négociation » pour arriver (toujours !) à ses fins. Mais ce serait mal connaître Christophe Bachmann que de l’imaginer en pourfendeur de l’architecture bretonne. « Je n’ai pas du tout envie de construire des cubes roses ou verts sur notre côte uniquement pour bousculer ce qui préexiste, tempère-t-il. Je suis pour une architecture contextuelle, capable de s’inscrire dans le paysage. Généralement, dans le cas des rénovations lourdes, c’est à l’intérieur que nous nous autorisons à être très contemporains. » Et c’est bien cela, la recette Bachmann : savoir conserver l’âme des lieux tout en leur insufflant une identité moderne.
« Nos clients nous font bouger, remettre en question nos idées préétablies. Ils nous font fouiller des époques, des styles, retrouver l’histoire d’une maison du XIXe siècle, d’un particulier, d’une entreprise artisanale ou industrielle. Nos choix expressément contemporains s’en inspirent, avec un respect certain pour la mémoire du lieu. » À Chamonix, l’architecte a livré il y a un peu plus d’un an le premier hôtel La Folie douce, son chantier le plus important à ce jour : 250 chambres. En huit mois (pour ne pas perdre une saison d’hiver), il a réveillé l’ancien Club Méditerranée. L’agence a opté pour une écriture très brute qui fait la part belle au béton et exalte la structure existante. Ce projet fut l’occasion de lancer une nouvelle entité, complémentaire.
Un vent de modernité
Avec Dominique Tosiani, fondateur du concept-store La Maison générale à Saint-Malo, et parce que la décoration fait souvent partie de ses prérogatives, il a créé Trésor Publik, dévolue à l’architecture intérieure. Dans cette frénésie de commandes, son échappatoire, il la trouve sur l’eau. Navigateur chevronné, il a notamment participé à la dernière Transat Jacques-Vabre à bord d’un Class40. Il ose l’avouer : « C’est un métier difficile. La voile, ça me permet de couper véritablement. Être en mer est pour moi plus inspirant que d’aller visiter New York. »