Avant d’être cette ville tentaculaire de 2 190 km2, Tokyo était un village baptisé Edo, posé sur un immense estuaire. Fortifié au fil des siècles, le village devient base militaire puis siège du gouvernement, abritant la résidence de l’empereur. La ville ne prend le nom de Tokyo qu’en 1868. Soumise aux tremblements de terre et aux incendies, capitale est plusieurs fois reconstruite dans un désordre grandissant. Résignés face aux calamités, ses habitants rebâtissent à la hâte avec des matériaux fragiles. Il faudra attendre 1923 pour que des normes de construction incluant des techniques para-sismiques soient mises en place.
« A ruin is the future of our city and the future city is a ruin itself. » Arata Isozaki.
La ville est rasée par les bombardements américains de la Seconde Guerre Mondiale. Mais Tokyo renaît une nouvelle fois de ses cendres pour devenir la métropole que l’on connaît. Ne bénéficiant d’aucun plan d’urbanisme public, la ville se développe de façon anarchique, au gré des bouleversements économiques, sociaux et culturels. L’aspect des bâtiments n’étant soumis à aucune charte, elle adopte une esthétique sauvage. Pour l’architecte Ashihara Yoshinobu, ancien élève de Marcel Breuer, Tokyo est une ville-amibe, « avec sa prolifération rampante, ses modifications incessantes. Comme les mollusques sans os, comme les corps unicellulaires, elle ressuscite. »
De cette histoire découle une caractéristique propre à Tokyo : sa subtile préservation des espaces verts et l’instauration d’un dialogue continu entre la nature et le bâti. Intégrant l’héritage d’Edo et composant avec les nombreux temples, parcs et jardins classés, Tokyo ne se contente pas de respecter la Nature, elle la développe en son sein. Murs végétaux, toits-terrasses, jardins suspendus, fermes verticales… Les nouveaux projets immobiliers rivalisent d’ingéniosité pour aménager de véritables oasis au cœur de la ville. Les exemples d’architectures vertes ne manquent pas, et s’inscrivent dans une démarche de re-dynamisation du patrimoine et des pratiques.
L’immeuble de la société Pasona, un bâtiment de neuf étages aux façades végétalisées datant de 1950 a été entièrement rénové en 2010 par l’architecte Yoshimi Kono (Kono Designs, New York). Sa structure abrite désormais des bureaux, un potager, un verger et même une rizière, pour être autonome en nourriture. Le dispositif améliore également la qualité de l’air, réduisant les émissions de CO2 de l’entreprise.
Dans une même démarche de préservation de la Nature, imposible de passer à côté du complexe urbain Atago Green Hills, appartenant au magnat de l’immobilier Minoru Mori. Achevé en 2001, ce projet de 15 000 m2 comprenant deux tours, la Forest et la Mori Tower (dessinée par Cesar Pelli, connu pour les Petronas Towers de Kuala Lumpur), conserve la topographie du Mont Atago avec sa forêt, son cours d’eau et ses trois temples tout en prenant le soin d’y intégrer bureaux, appartements, commerces, bars/restaurants, spa, musée et même une clinique. On retrouve ici la philosophie des complexes immobiliers Mori, qui est de faire cohabiter logements et lieux de travail tout en respectant la nature.
Autre exemple de la mise en avant de la flore, la rue marchande LOG ROAD DAIKANYAMA. Pensée comme une bande de sable verdoyante, cette oasis de 220 mètres conçue en 2015 par l’architecte Shin Ohori (General Design) longe une ancienne voie de chemin de fer et regroupe plusieurs commerces.
En hauteur cette fois, le toit-terrasse du centre commercial Tokyu Plaza Harajuku Omotesando, imaginé par l’architecte Hiroshi Nakamura (Hiroshi Nakamura & NAP) au croisement donc des quartiers Omotesando et Harajuku, offre une alternative pleine de quiétude à l’incessant brouhaha de la ville. L’Omohara Forest, construite en pente, dans un dédale de marches est un ensemble de bosquets et d’arbres organisé autour d’un comptoir central.
Magnifiés par une architecture futuriste ou créés de toutes pièces, les espaces verts tokyoïtes dialoguent constamment avec le bâti. Inclus ou mis en perspective, ils offrent au regard et aux corps la possibilité d’une autre ville, humaine et accueillante, décrivant les contours d’une nouvelle forme d’urbanisme, écologique et conscient.