Portobello. Un nom qui évoque la rue principale du quartier londonien de Notting Hill, célèbre pour son marché vintage et ses façades victoriennes colorées. Bleu Klein, rose poudré, vert d’eau, rouge : une palette chatoyante toujours d’actualité dans la boutique de Rébecca Felcey, presque vingt ans après son ouverture, en 1998. « Quand nous avons créé Portobello, la décoration à Paris était trop minimaliste à mon goût : il n’y avait que du beige et du gris ! Mais les goûts ont évolué… », se souvient la designer, fascinée à l’époque par le style « néo-British » impulsé par des créatrices comme Tricia Guild (fondatrice de la marque de tissus Designers Guild), qu’elle décide alors d’importer dans le Marais.
Un esprit excentrique, des meubles et des objets qui sortent de l’ordinaire, de la personnalité, des couleurs lumineuses, des motifs fleuris… Le concept de Portobello plaît et le succès arrive rapidement. La clientèle qui se presse rue du Roi-de-Sicile pour découvrir ce nouveau spot de la déco est un mélange de particuliers et de professionnels (décorateurs et architectes) qui lui demandent parfois de meubler entièrement leurs projets. « Il fallait que je me déplace sur la Rive gauche, car certains clients ne voulaient pas traverser la Seine », s’amuse celle qui a vu, en vingt ans, se transformer les environs de la Bastille et de la rue des Archives.
Le « Marais intello et multiculturel », comme elle l’appelle, Rébecca Felcey y a grandi : « Je ne viens pas directement de la déco, je n’ai pas fait d’études de design, ni d’archi d’intérieur, et je pense que mes choix s’en ressentent », souligne cette ex-étudiante en arts plastiques et en histoire de l’art. Dans sa boutique qui a maintenant pignon sur rue, elle aime mettre en avant de jeunes talents qui proposent eux aussi un autre regard sur la décoration. Stéphane Mouflette, par exemple, designer et ébéniste qui fabrique, à partir de baguettes de bois, des lampes au look low tech distribuées exclusivement chez elle.
Violaine d’Harcourt, également, qui dessine des lampadaires réalisés en marbre, en bois ou en verre soufflé. Ou Olivier Vallaeys, par ailleurs entraîneur de l’équipe de France d’athlétisme, qui, sous le nom d’Ovalum, s’est mis lui aussi à travailler des matériaux tels que le laiton, la porcelaine ou le béton sur une péniche située en bord de Marne. Des électrons libres, en somme, personnalités attachantes dont la patronne de Portobello s’est donné pour mission de défendre la production.
Depuis une dizaine d’années, de nouvelles marques françaises lui ont emboîté le pas, défendant elles aussi les créations de talents émergents, au grand bonheur de Rébecca Felcey : « Petite Friture, La Chance ou Moustache sont des petites entreprises courageuses qui apportent beaucoup de gaieté dans le paysage. » À côté de la lampe Tidelight de Pierre Favresse chez Petite Friture (qui ressemble à un phare de voiture) ou des étagères graphiques de Bashko Trybek chez La Chance, ce sont aussi les grands noms du design italien que l’on croise chez Portobello.
Paola Navone, directrice artistique de Gervasoni, est une habituée. L’hiver dernier, on remarquait depuis la vitrine sa suspension en laiton en forme de feuille et sa table ronde ornée de motifs noir et blanc, posée sur un pied en fonte d’aluminium. Autre éditeur de la Botte apprécié par Rébecca Felcey, Mattiazzi fabrique notamment les chaises et tabourets en bois Osso, de style organique, conçus par les frères Bouroullec. « J’aime proposer le travail de designers qui ne me ressemblent pas, cela créé une diversité dans la boutique », assume celle qui, en 2008, a offert un nouveau souffle à sa carrière personnelle en commençant à éditer ses propres créations, sous le label Portobello éditions.
Les tables basses Marie-Henri, à la Gio Ponti, ou Flam, en bois et verre coloré ; la bibliothèque Désordonnier, qui semble inachevée… En 2013, elle dessine également un système d’étagères d’allure rétro, Open Close, qui laisse apercevoir à travers une résille de métal ce que l’on choisit de montrer dedans. La même année, elle sort le canapé Caracas, composé d’une solide structure apparente en bois et de coussins accueillants. « J’aime quand les objets et les matériaux nécessaires à la fabrication restent visibles », explique la designer, qui a imaginé l’an dernier une nouvelle gamme de rangements « à trous » et aux couleurs ludiques. Et pour 2017 ? « De la rondeur, de la sophistication, des matériaux riches et peut-être un nouveau canapé », répond Rébecca Felcey. Un programme qui devrait fédérer autour d’elle de nombreux passionnés de décoration.
Portobello. 32, rue du Roi-de-Sicile, 75004 Paris.
Tél. : 01 42 72 27 74.