Chez IKEA, on ne parle pas de collection signature ou capsule mais plus simplement de « collaborations avec des designers non intégrés ». La dernière d’entre elles, « Industriell », conçue par Piet Hein Eek avec et pour le géant suédois, était présentée il y a quelques jours à Paris en même temps qu’une autre série d’objets baptisée « Hjärtelig » développée en interne et qui procède d’un esprit plutôt nature et slow life.
Dans les meubles et objets de la collection « Industriell », la patte du designer néerlandais est immédiatement identifiable par le caractère fait-main, pour ne pas dire imparfait, de la plupart des pièces : des tables, chaises et bancs en bois à la facture très brute, des céramiques et des verres aux formes hasardeuses, des pièces de textiles aux motifs irréguliers, des luminaires en bambou tressé… Comme si le titre même de cette gamme était un pied de nez au principe de production de masse prôné par IKEA !
Basé à Eindhoven où il a suivi des études de design dans les années 1980 à la très renommée Design Academy, Piet Hein Eek s’est fait connaître par son mobilier en bois recyclé recouvert d’une épaisse couche de vernis qui laisse néanmoins apparaître les irrégularités du bois. Et cette logique du « Scrapwood », qui mêle rusticité et sophistication, mais surtout procédé artisanal, Piet Hein Eek l’applique ensuite à d’autres matériaux : céramique, verre, métal, plastique… Avec la particularité d’assurer lui-même (avec désormais une équipe d’une soixantaine d’artisans) la fabrication de ses productions. « Je vois cette collaboration avec IKEA comme une évolution de ma démarche. Mes ateliers ne pouvaient bien sûr produire des milliers de pièces. Alors, j’ai observé les méthodes des différents sous-traitants et j’ai volontairement demandé aux ouvriers de ne pas aller jusqu’au bout des actes habituels de finition, pour créer de l’imperfection », explique Piet Hein Eek.
En témoigne par exemple le rendu rugueux du mobilier en bois, qui n’a pas fait l’objet d’un rabotage habituel. « Ainsi, chaque pièce est différent puisque l’irrégularité provoqué par le trait de scie ne peut être contrôlée », souligne-t-il. Sans compter le fait que les formes, ainsi que les modes d’assemblage sont relativement basiques et donneraient presque l’impression d’avoir été bricolées avec des tasseaux dans le fond d’un garage.
« Pour les céramiques et le verre, nous avons tout de même dû créer des moules et il en existe plusieurs, à chaque fois faits à la main. Si bien qu’une fois en rayonnage, je mets quiconque au défi de reconnaitre deux pièces identiques. » La collection traduit bien cette volonté partagée par IKEA et le designer de proposer des objets qui laissent des aspérités qui les rendent authentiques. Et illustre parfaitement ce défi d’avoir réussi à créer de la singularité dans un contexte de production industrielle.