Rare par sa présence plutôt discrète et mesurée sur la scène du design – pas le genre à courir les design weeks pour s’exhiber –, Pierre Charpin est pourtant l’invité d’honneur du salon Maison & Objet qui ouvre ses portes ce vendredi 20 janvier et qui l’a désigné « Créateur de l’année 2017 ». Il est représenté par la prestigieuse Galerie kreo et collabore avec des marques telles qu’Alessi, Ligne Roset ou la Cristallerie Saint-Louis… Il est aussi l’auteur d’une des plus belles scénographies de la Triennale de Milan (l’exposition « Quali cosi Siamo » curatée par Alessandro Mendini en 2010). Enfin, il réalise régulièrement des objets aussi inattendus que la carafe officielle de l’Eau de Paris.
Rare, il l’est aussi par le côté atypique, pour ne pas dire unique, de son parcours. Au départ, Pierre Charpin se destinait plutôt à l’art. Mais un séjour à Milan et sa rencontre avec le designer George Sowden au début des années 90 vont en décider autrement. Au détail près que Charpin n’a jamais cessé de dessiner, que ce soit pour développer des objets à vivre ou produire des « objets visuels » à part entière. Des compositions sur papier, sans finalité particulière, permettent de saisir le caractère très graphique de ses projets. « Pendant longtemps, j’ai travaillé seul, à ma table à dessin. Aujourd’hui, je suis entouré de deux assistants mais qui ne viennent au studio que l’après-midi, afin de me préserver ce temps de dessin. Lorsqu’il s’agit d’élaborer un objet, je leur passe mes esquisses qu’ils vont retranscrire sur ordinateur. Avec les années, je me rends compte que je fais intervenir les assistants beaucoup plus tôt qu’auparavant dans le process. Car la 3D permet de valider beaucoup plus vite les options avancées. Elle ne pardonne pas. »
Avec cette méthodologie basée sur l’échange et le dialogue, on saisit véritablement l’importance du dessin dans la composition des volumes. Du coup, Pierre Charpin ne réalise quasiment jamais de maquettes, une dimension qui renforce la présence quasi évidente de l’objet. L’automne dernier, à l’occasion de la Nuit Blanche à Paris, il dévoilait un objet plutôt inhabituel pour un de signer : une cloche. « C’est un objet qui existait bien avant que la notion de design n’apparaisse. Et qui n’a pas vraiment évolué. Alors, je suis parti de la matière qui m’était imposée, le métal, pour réfléchir à la fonction de l’objet : la production d’un son. Je n’avais encore jamais travaillé sur un projet sonore doté d’une présence formelle. » Celle-ci pèse une tonne et doit être frappée à l’aide d’un marteau. En outre, elle jouit d’une finition brillante dans laquelle le paysage environnant se reflète.
Un objet qui rappelle un peu les bourdons fabriqués au Japon où Pierre Charpin a passé quelques mois à l’automne 2012, en résidence à la villa Kujoyama. « C’était la première fois que j’y allais. Alors forcément je me suis davantage retrouvé dans un état d’esprit d’observation que de production. » Ce temps de contemplation lui a néanmoins permis de répondre à une proposition de Japan Creative, un organisme qui met en relation des designers avec des entreprises japonaises. « J’ai travaillé avec une société spécialiste du silicone. La seule contrainte était de réaliser un objet petit. Je suis parti du caractère ininflammable du silicone pour concevoir un porte-encens, accessoire que l’on croise souvent au Japon. »
Le designer porte autant d’attention à la réflexion sur une lampe à gros tirage pour un fabricant scandinave – déjà deux ans d’échanges… – que sur des objets édités à quelques exemplaires qu’il présence à la Galerie kreo. « L’exigence et le langage sont les mêmes. Mais le travail avec la galerie permet de pousser l’expérimentation un peu plus loin. Dès lors qu’il s’agit de ne produire que dix pièces, les contraintes sont assez aisément contournables. Avec l’industrie, la simplification et l’économie du projet sont fondamentales. »