Elle avait prévu des rencontres, des lancements de nouveaux produits… La fête des 10 ans de Petite Friture devait être belle et puis, pandémie oblige, tout a été reporté ! Pour autant, Amélie du Passage, la fondatrice de cette maison d’édition, ne s’est pas laissé abattre. Elle a continué à partager sur les réseaux des images contemporaines, notamment celles de Noémie Goudal, sa photographe préférée, dont l’écriture oscille entre onirisme et réalisme désenchanté. Elle n’a jamais cessé d’aiguiser sa curiosité et de peaufiner l’après… qu’elle envisage avec sérénité. Au moment où la plupart des éditeurs se recroquevillent sur les classiques ou les designers stars, Amélie du Passage persiste à prendre des risques, comme elle l’a toujours fait !
Tout a démarré sur une évidence
Elle a d’abord lancé Petite Friture dans le sillage de la crise économique de 2008 et a immédiatement fait confiance à de jeunes créateurs comme Constance Guisset, alors débutante. « J’ai découvert son travail à la Villa Noailles, lors du festival Design Parade à Hyères, en 2008, où Constance a gagné le prix du public, se souvient-elle. Elle était en train de quitter les frères Bouroullec pour monter son propre studio (en 2009, NDLR). Quand je l’ai appelée pour concevoir Vertigo, nous ne nous connaissions pas et Petite Friture n’était qu’une idée. Nous sommes tombées d’accord et Petite Friture est née. Pour moi, Vertigo, c’est un cadeau. J’ai aimé cette lampe au premier coup d’œil, adoré Constance aussi vite. Tout a démarré sur une évidence et la magie a opéré. »
Un design aux facettes multiples
En effet, Amélie est aujourd’hui à la tête d’une écurie de personnalités (aux côtés de l’emblématique Constance Guisset ou d’India Mahdavi) qu’elle a fait éclore, notamment des femmes : Tiphaine de Bodman, pour ses imprimés déclinés en papiers peints et coussins, Giorgia Zanellato et ses vases, Hanna Emelie Ernsting et ses tabourets animaux ou Élise Fouin et ses appliques. Mais également beaucoup de duos incluant des femmes : Léa Padovani, de Studio Pool (avec Sébastien Kieffer), et Emma Marga Blanche, de Färg & Blanche (avec Fredrik Färg), entre autres. Toutes nourrissent auprès d’Amélie un design aux facettes multiples.
Au sein de l’entreprise et au fil de ces dix années, Amélie a endossé le double rôle de présidente, à travers lequel elle réfléchit à la stratégie, et de directrice artistique, pour le choix des produits et des angles de communication. Et elle s’est adjoint les services d’une directrice générale « qui gère l’entreprise et la concrétisation du plan stratégique que nous avons posé ensemble auparavant ». Une liberté qui lui a permis de déployer cette aventure humaine avec des designers et des fabricants, essentiellement français. « Certains ont développé leur atelier pour nous aider à nous accompagner dans notre croissance ; c’est aussi une réflexion sociale à laquelle nous sommes sensibles. »
Entre univers domestique et contract
C’est d’ailleurs dans cette voie qu’elle compte s’engager pour sceller ses dix ans d’existence : « Au début de l’aventure Petite Friture, je suis vraiment partie de l’objet. Et puis, au fil des ans, j’ai réalisé que ce qui fait la valeur de ce travail, c’est le produit comme vecteur de rencontre. Lorsque j’ai songé à déménager, j’ai pensé à ce volet d’étude et j’ai eu l’idée d’un endroit où je pouvais inviter designers, fabricants et clients afin d’expérimenter. J’ai trouvé une ancienne halle à Montreuil, en proche banlieue parisienne, dotée d’un espace extérieur. Un cadre plus respirable que notre siège parisien. Dans cet environnement créatif et hybride qu’est la ville de Montreuil, nous comptons nous inscrire dans le tissu local et inclure dans notre démarche tous ces gens loin du design. »
La vocation de Petite Friture ? L’agilité !
Ses projets ? Poursuivre son exploration des designers étrangers, américains en particulier. « J’aimerais collaborer avec des makers nord-américains, qui valorisent l’expérience manuelle et dont on a beaucoup à apprendre. Ils ont une compréhension du produit totalement différente de la nôtre, car ils ont poussé l’expérimentation du design jusqu’à la réalisation. C’est enrichissant pour les fabricants… » Autre piste envisagée pour créer un lien nouveau avec les clients, la mise au point d’articles à cheval entre univers domestique et contract. « Nous avons démarré en favorisant le résidentiel, puis nous nous sommes tournés vers le marché professionnel. Aujourd’hui, ces deux domaines sont poreux, se mélangent. En réalité, la distinction se fait entre le produit clés en main et le sur-mesure. Nous privilégions le second et intégrons dans notre process les besoins de nos clients, parce que la vocation de Petite Friture, c’est surtout l’agilité », conclut Amélie du Passage.