Les deux amis se connaissent depuis de nombreuses années et leur complicité est évidente quand on les rencontre. Lorsque l’idée du déménagement de la Fondation Henri Cartier-Bresson (HCB) s’est concrétisée, Agnès Sire, alors directrice, a choisi pour l’épauler François Hébel, avec qui elle avait collaboré au pôle culturel de Magnum lorsqu’il dirigeait l’agence. Elle avait besoin de son expertise sur le suivi de chantier, lui qui a supervisé celui de Magnum dans le XVIIIe arrondissement, mais pas seulement. François Hébel, qui fut le directeur des Rencontres d’Arles pendant treize ans, connaît parfaitement le monde de la photographie et ses enjeux. Depuis plusieurs mois, il a rejoint la petite équipe qui ne manquera pas de s’étoffer dans le futur.
Avec leur fille Mélanie, les photographes Henri Cartier-Bresson et Martine Franck ont pu savourer de leur vivant l’ouverture de la fondation, en 2003, dans le quartier du Montparnasse. L’ancien atelier d’artiste choisi par le couple a hébergé plus de 45 expositions pendant quinze ans, dont celles de Robert Adams, Pieter Hugo, Sergio Larrain ou Francesca Woodman.
Agnès Sire se souvient : « Il s’agissait d’abord de préserver l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson et celle de Martine Franck dans “un souci de vie”. L’expression est de Martine, c’est-à-dire que la fondation devait être vivante. Il était hors de question que le lieu soit un mausolée consacré à leur œuvre. Tous les deux ont été bien conseillés pour la conservation des archives, mais aussi pour intégrer des artistes lors d’expositions temporaires. Il fallait que le public puisse revenir pour découvrir d’autres univers. De cette mission a découlé celle de l’aide à la création, avec le lancement du prix HCB. La mission éditoriale, qui n’était pas dans le cahier des charges initial, s’est développée puisque quasiment toutes les expositions ont donné lieu à un livre. À la nouvelle adresse, des missions pédagogiques pour les scolaires pourront être développées avec des ateliers. Enfin, de grands espaces réservés aux chercheurs permettront d’utiliser le fonds de manière conséquente. »
Unique en son genre, d’utilité publique dès 2002, la FHCB n’a pas d’équivalent. Autonome sur le plan financier, elle ne reçoit pas de subvention de l’État, mais trouve de fidèles partenaires privés pour ses collaborations. Pour autant, la fondation s’est rapidement sentie à l’étroit. Du vivant de Martine Franck, le projet d’un déménagement était déjà d’actualité. Pour François Hébel, l’idée de continuité demeure : « Nous développons la fondation parce qu’elle a du succès, pour créer des programmes de conférences et pour mélanger quatre ou cinq expositions de natures et d’époques différentes. “Les perles des archives”, au moyen de dazibaos, raconteront l’histoire de Cartier-Bresson pour ceux qui la découvrent. Être situé entre le musée Picasso et Beaubourg, c’est la voie royale pour augmenter notre fréquentation, notamment celle des visiteurs étrangers. La nouvelle librairie constituera un attrait complémentaire pour tous les publics. »
Agnès Sire a travaillé avec Martine sur ce projet d’exposition, il était donc important pour elle d’ouvrir la nouvelle fondation sur son travail : « Martine savait qu’elle allait partir. Ensemble, nous avons exprimé le souhait de faire une exposition biographique, dans la continuité de sa vie, ce qui n’est pas évident, car elle était toujours écartelée entre son goût pour les portraits de peintres et d’écrivains, les manifs dans la rue et la vie sociale. Il fallait trouver des liens entre 143 images. »
Ce projet inaugural, pour François Hébel, est emblématique de l’évolution des expositions photo, car il permet une relecture des tirages de Martine Franck : « Agnès et Martine se sont découvertes en créant la fondation, et Agnès a mis un point d’honneur à raconter le parcours de Martine comme cela n’avait jamais été fait. Il en ressort une épaisseur. Elle n’est pas honorée par politesse, mais parce qu’il y a une vraie cohérence dans son œuvre. »