Le studio de Bettina se trouve rue du Roi-de-Sicile, et c’est le centre autour duquel la photographe rayonne, sa « base », dit-elle. La rue Ferdinand-Duval, la rue des Écouffes, la rue François-Miron et la rue Vieille-du-Temple (à la limite, la rue des Francs-Bourgeois « pour faire un saut chez Uniqlo ! ») sont les frontières invisibles de son territoire de cœur. Bien sûr, elle s’échappe parfois, pour des adresses qui portent en elles la mémoire de rencontres heureuses. Comme le restaurant Le Duc : « J’y allais depuis toujours et puis, lors d’un dîner arrangé et improbable, il y a vingt ans, c’est là que j’ai rencontré l’homme de ma vie ! » Pour fêter quelque chose, c’est chez Apicius qu’elle réservera, un lieu dont elle apprécie qu’il n’ait pas changé. Longtemps, elle donna ses rendez-vous au bar du Crillon, mais aujourd’hui elle préfère que ce soit dans son studio. Elle se souvient aussi du Bristol où elle rencontrait régulièrement les galeristes Jérôme et Emmanuelle de Noirmont avec qui elle a monté l’exposition « Just like a woman », en 2008. Bettina n’a pas la fièvre acheteuse, elle déteste le shopping. Elle avoue volontiers qu’elle trouve bien pratique Net-a-porter.com. Elle reste fidèle à ses « bases » : les tee-shirts en cachemire de Jean Colonna et les chaussures de Pierre Hardy. En revanche, elle aime « faire des maisons », dit-elle : choisir des meubles, des couleurs, des papiers peints. « Aujourd’hui, je vis avec mon mari dans l’appartement de nos rêves, derrière les Invalides. Je l’ai fait vraiment “à ma main” en me disant que ce serait e dernier. Quelques copines ont joué les bonnes fées : dans la bibliothèque extraordinaire de Linda Pinto, j’ai puisé des idées de meubles ; India Mahdavi a apporté des fauteuils, des coussins et une table basse ; une amie de Deauville, Béatrice Augier, m’a emmenée dans des boutiques de tissus… La couleur, c’est vraiment mon truc. Je voulais que mon coin soit couleur chair, le coloris que je recherche dans mes photos. Et je n’ai pas encore fini de l’aménager… » Dès qu’elle a deux heures devant elle, elle court au musée « acheter des tableaux » – comprenez qu’elle les photographie avec son portable, pour elle. « J’y vais me nourrir et me laver la tête. Ce sont des conversations avec des peintres, un tableau, un objet… » au Quai Branly, à Orsay ou au musée Gustave Moreau… Élevée par un père commissaire-priseur, plongée dans la peinture du XIXe et la peinture italienne, Bettina Rheims est restée fidèle à ces rendez-vous. Chaque hiver, elle retourne à Venise : « Je vais d’abord (re)voir ce que j’aime – les Carpaccio notamment – et après je découvre ce que je ne connais pas. […] J’ai appris de mon père qu’on ne pouvait pas tout voir dans une exposition. Avec mon mari, on ne se comporte pas du tout de la même façon. Moi, je zappe, je vais vers ce qui m’attire… Alors, on se retrouve à la sortie. » Si Bettina se consacre surtout à son travail, lorsqu’elle veut s’échapper, c’est à la campagne qu’elle se rend. Elle a aussi une botte secrète : « Voir la mer, c’est ma passion dans la vie. J’ai toujours un endroit secret à la mer. »